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      La bataille oubliée de Salvador Allende pour la souveraineté technologique

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Tuesday, 12 September, 2023 - 18:47 · 13 minutes

    « La technologie, c’est la géopolitique par d’autres moyens » : telle serait la leçon oubliée de la présidence de Salvador Allende, et du coup d’État qui l’a renversé. C’est ce qui ressort du podcast du chercheur Evgeny Morozov The Santiago boys , fruit d’un long travail dédié au projet Cybersyn . Cet « internet chilien avant la lettre », système sophistiqué de télécommunications développé sous le gouvernement d’Allende, était destinée à asseoir la souveraineté du pays en la matière. La « voie chilienne vers le socialisme » passait par une émancipation vis-à-vis des technologies américaines, perçues comme un facteur de sous-développement. Le podcast d’Evgeny Morozov permet de prendre la mesure de l’ambition du gouvernement de Salvador Allende. En négatif, il souligne le désintérêt que porte une grande partie de la gauche contemporaine à la question de la souveraineté technologique. Recension.

    Lorsque Fiona Scott Morton, ex-lobbyiste pour les GAFAM, a été nommée à un poste clef auprès de la commissaire européenne à la Concurrence, il ne s’est trouvée que la France pour protester – bien timidement. Une fois son retrait acté, une grande partie de la gauche européenne a repris son souffle : les institutions européennes étaient sauves, le système de checks and balances avait fonctionné, c’est la loi européenne qui allait s’appliquer, au bénéfice des Européens, et non des Américains.

    Des Big Tech américaines, la gauche européenne critique l’opacité, le gigantisme, le coût écologique ou les liens avec l’extrême droite. Elle réclame, toujours à l’échelle européenne, une régulation plus stricte. Il y a peu encore, elle érigeait la commissaire européenne à la Concurrence Magrethe Vestager au rang d’héroïne pour avoir dénoncé les pratiques anti-concurrentielles des GAFAM. Le Digital Markets Act et le Digital Services Act, adoptés par les institutions européennes en 2022 sous son impulsion, étaient censées forcer les géants de la Silicon Valley à respecter leurs obligations auprès des consommateurs européens.

    Mais rares sont, au sein de la gauche européenne, ceux qui s’en prennent à la suprématie américaine sur les géants du numérique en tant que telle. Il semble acquis que si ces derniers se plient à leurs obligations légales et offrent un service de qualité, leur nationalité américaine sur tout un continent ne soulève aucun problème particulier. Pas davantage que l’absence de souveraineté numérique des Européens.

    Parmi les administrateurs de la multinationale américaine des télécommunications nationalisée par Allende, on trouve John McCone, ancien directeur de la CIA (1961-1965).

    Une telle attitude entre dans la catégorie de ce qu’Evgeny Morozov nomme « solutionnisme technologique », qui consiste à analyser les questions techniques en évacuant leur dimension politique et conflictuelle 1 . Il n’est donc pas surprenant qu’il se soit intéressé au Chili des années 1970, où les infrastructures techniques – notamment celles liées à la télécommunication – font l’objet d’une intense politisation, et sont pensées sous le prisme de la souveraineté, ou de l’absence de souveraineté. Le plus important, déclarait Salvador Allende (cité par Morozov) n’était pas d’apporter une solution aux problèmes des services téléphoniques et télégraphiques que connaissait le Chili des années 1970 ; le plus important était de « trouver nous-mêmes nos propres solutions ».

    Il n’était pas le seul à penser de la sorte. Une grande hétérogénéité caractérisait l’Union populaire, cette coalition qui a dirigé le Chili pendant trois ans sous sa présidence. Dans les ministères, on croisait aussi bien des socialistes bon teint que les marxistes-léninistes du MIR ( Movimiento de izquierda revolucionaria , « mouvement de la gauche révolutionnaire »). Mais s’il est un point qui faisait consensus, c’est le caractère néfaste du monopole américain sur le secteur des télécommunications au Chili.

    En Amérique latine, la multinationale ITT ( International Telephone and Telegraph , basée à Washington) est honnie, d’abord pour les tarifs abusifs qu’elle pratique. C’est en les dénonçant que le jeune avocat cubain Fidel Castro obtient une première notoriété. Mais ce n’est pas la seule raison, ni la principale. Confier un secteur aussi stratégique à des capitaux étrangers et privés, estime-t-on, nuit à la souveraineté des populations latino-américaines – et les condamne à un sous-développement chronique. Une fois élu, Allende entreprend d’exproprier ITT. Une lutte souterraine s’engage.

    Intérêts oligarchiques et dépendance technologique

    Il ne s’agit pas seulement, on l’a vu, de permettre aux Chiliens d’avoir accès à un système téléphonique et télégraphique fonctionnel. Le problème réside moins dans la piètre qualité des services d’ITT et des multinationales analogues que dans l’asymétrie de pouvoir qu’elles entretiennent avec la population chilienne. ITT elle-même constitue un emblème vivant de la confusion entre le renseignement américain et le secteur privé.

    Lorsque Salvador Allende nationalise ITT, les intérêts qu’il heurte n’ont rien d’anodin. Parmi les administrateurs de l’entreprise on trouve John McCone, ancien directeur de la CIA (1961-1965). Quelques années plus tôt, il avait supervisé le coup d’État contre le gouvernement brésilien de Joao Goulart ; il s’était alors appuyé sur cette même ITT, qui avait contribué à paralyser les télécommunications du pays. Et plus tôt encore, il avait participé à des opérations de sabotage contre le gouvernement de Fidel Castro à Cuba, dont les plus importantes concernaient… les télécommunications. Il n’était donc nul besoin d’être un marxiste particulièrement radical pour considérer que ces enjeux n’étaient pas réductibles à des questions techniques…

    Ainsi, Allende tente d’attirer des ingénieurs du monde entier afin de poser les fondements d’un système de télécommunications qui permettrait au Chili de se passer des brevets et infrastructures fournis par Washington. Parmi eux, l’excentrique britannique Anthony Stafford Beer, versé dans la cybernétique. Avant les tristement célèbres Chicago boys , d’autres contingents internationaux ont cherché à bouleverser l’organisation sociale du pays : les Santiago boys .

    Evgeny Morozov rappelle que ces ingénieurs radicalisés sont influencés par la « théorie de la dépendance ». Selon celle-ci, la faible souveraineté technologique du Chili cantonne le pays au statut d’exportateur de matières premières. Les pays riches, estiment les « théoriciens de la dépendance », monopolisent les savoir-faire technologiques et possèdent les conditions de leur reproduction. Les pays pauvres, de leur côté, condamnés à importer des produits à haute valeur ajoutée, ne possèdent pas les ressources nécessaires pour les concurrencer. Inertie institutionnelle aidant, cet avantage de départ pour les uns, ce handicap pour les autres, se maintiennent. Ils tendent même à s’accroître avec le commerce international tel qu’il prédomine sous le capitalisme 2 . Avec le projet Cybersyn , les Santiago boys cherchent à briser ce cercle vicieux.

    C’est ainsi qu’à huis clos, ils travaillent à l’élaboration de moyens de communication révolutionnaires. Ils ébauchent un système télégraphique qui permettrait d’envoyer des messages d’un point à un autre du territoire, et des les afficher sur des téléimprimeurs. À Santiago, une salle secrète, avec un écran, centralise ces échanges. Ce système, estiment les Santiago boys , permettrait de cartographier l’ensemble du pays, et de connaître en temps réel les besoins et les capacités de tout un chacun (la demande et l’offre), de la zone australe à la frontière péruvienne du Chili.

    On voit qu’il s’agit de bien autre chose que de remplacer le système téléphonique et télégraphique existant : le projet Cybersyn ouvre la voie à des modes de coordination et de communication inédits. Par bien des aspects, il anticipe les prouesses réalisées plus tard par l’internet de la Silicon Valley.

    De l’économie de guerre civile à la planification ?

    C’est lors de la grève des camionneurs que le projet Cybersyn révèle son utilité. En 1972, le pays manque d’être paralysé : sous l’impulsion du mouvement d’extrême droite Patria y libertad et de la CIA, les conducteurs routiers se livrent à une obstruction des voies publiques. En face, les militants du MIR tentent de faire échouer le mouvement, et d’assurer autant que possible la normalité des échanges.

    L’outil des Santiago boys permet alors de faire état, en temps réel, de la situation des uns et des autres : les entreprises dont les routes sont bloquées, celles dont les routes sont libres, les entreprises en pénurie, celles qui sont en excédent, peuvent être mises en rapport. On espère ainsi mettre en échec l’asphyxie de l’économie souhaitée par les grévistes. Bien sûr, Cybersyn demeure encore embryonnaire.

    Mais l’idée fait son chemin : ce mode de coordination, si prometteur en temps de guerre civile, ne pourrait-il pas être généralisé en temps de paix ? Si l’ensemble des entreprises du pays étaient connecteés au telex , elles pourraient faire état, en temps réel, de leurs intrants et de leurs extrants. Il serait alors possible d’agréger ces données, d’établir des régularités, et de repérer (avant même que les agents en aient conscience) les éventuels problèmes dans le processus de production.

    Révolutionnaire, le projet Cybersyn ? Morozov souligne que la CIA possédait en réalité un réseau de communication similaire, avant même les années 1970.

    L’ingénieur britannique Stafford Beer est féru de cybernétique, cette « science des systèmes complexes » généralement associée à une idéologie autoritaire et libérale. Il cherche à en faire un outil d’émancipation au service de la planification. Il expose sa conception « cybernétique » de l’État à Salvador Allende : comme un organe, l’État possède une partie consciente – qui prend des décisions politiques – et une autre non consciente – qui effectue au jour le jour des schémas réguliers, répétés spontanément sans réflexion.

    Or, ces schémas réguliers deviennent rapidement obsolètes face à un réel en perpétuelle évolution. Pour qu’ils s’adaptent de manière incrémentale à ses changements, quoi de mieux qu’un système national de télécommunications permettant à chaque organe de connaître, en temps réel, les changement qui surviennent dans n’importe quelle sphère du gouvernement ou de l’économie ?

    Morozov souligne l’hostilité encourue par Stafford Beer et les Chicago boys . Les médias conservateurs tirent à boulets rouges sur un projet décrit comme orwellien. Mais l’opposition, plus douce, vient aussi de la gauche : les marxistes-léninistes du MIR défendent le pouvoir ouvrier face à celui de quelques ingénieurs. Cette tension entre démocratie ouvrière et technocratie caractérise, plus largement, l’ensemble du mandat de Salvador Allende 3 . Couplée à l’intensification des manoeuvres de sabotage de l’opposition, elles expliquent que Cybersyn n’ait, en grande partie, jamais dépassé le stade de projet. Le 11 septembre 1973, il est définitivement enterré.

    Quelles leçons du 11 septembre 1973 ?

    Révolutionnaire, le projet Cybersyn ? Morozov souligne que la CIA possédait en réalité un réseau de communication similaire, avant même les années 1970. Afin de coordonner la répression anticommuniste, elle avait fourni un système de telex à ses alliés latino-américains, destiné à faciliter la coopération. Plusieurs historiens, interrogés par Morozov, détaillent son fonctionnement. À Washington, un écran géant centralisait l’ensemble des informations et des conversations. Il pouvait afficher les messages échangés entre les uns et les autres, mais aussi des cartes, ou réaliser des agrégations de données.

    Les Chicago boys n’ont-ils fait qu’imiter, bien maladroitement, un système de télécommunication déjà existant ? Une autre question plus lancinante traverse ce podcast : durant la présidence d’Allende, ces réseaux parallèles ont-ils continué à opérer, et à faciliter la communication entre la hiérarchie militaire et les services américains ? Des événements troublants, rapportés par Morozov, laissent entendre que les officiers putschistes, le 11 septembre 1973, se sont appuyés sur un tel système pour distiller de fausses informations, générer de la confusion et permettre au coup d’État de parvenir à son terme. Quoi qu’il en soit, ce système a perduré dans les années 1970. Il a garanti aux protagonistes de « l’Opération Condor » des moyens de répression d’une redoutable efficacité.

    Le podcast de Morozov offre une plongée dans les canaux souterrains du coup d’État de 1973, avec une précision chirurgicale. Il dévoile à quel point les réseaux de communication abandonnent leur apparente neutralité sitôt que la situation politique se tend, pour devenir des armes de guerre – aux côtés de la finance ou de l’armée.

    On ne peut s’empêcher d’effectuer un parallèle avec la situation présente – et de contraster le volontarisme politique de l’Union populaire chilienne avec l’atonie d’une grande partie de la gauche contemporaine. Quant l’une tentait de se débarrasser d’ITT, l’autre semble paralysée face aux GAFAM – quand elle n’y est pas totalement indifférente.

    Les multiples affaires d’espionnage du gouvernement américain sur ses homologues européens, permises par leur suprématie technologique, n’ont soulevé qu’une faible indignation. L’affaire Pierucci, qui a vu un cadre français d’Alstom arrêté par le Department of Justice (DOJ) des États-Unis, puis condamné sur la base de messages échangés via Gmail (à laquelle le DOJ avait bien sûr accès), n’a jamais réellement mobilisé la gauche française. Et face au Cloud Act voté sous le mandat de Donald Trump, qui officialise le droit pour les États-Unis de violer la confidentialité des échanges si leur intérêt national le leur intime, la gauche européenne est surtout demeurée muette.

    On objectera avec raison que les Big Tech américaines présentent des défis autrement plus importants que les multinationales de la télécommunication d’antan. Mais qui pourra dire que l’expérience de l’Unité populaire face à ITT n’est pas riche d’enseignements pour le présent ? Et que le dédain d’une partie de la gauche française pour toute forme de souveraineté numérique ne constitue pas un problème majeur ?

    Notes :

    1 Les implications du « solutionnisme technologique » vont au-delà de ce qu’il est possible de présenter dans cet article. On renverra notamment à l’ouvrage d’Evgeny Morozov Le mirage numérique. Pour une politique du Big Data (Les prairies ordinaires, 2015).

    2 La « théorie de la dépendance » au sens strict met l’accent sur l’asymétrie technologique entre pays riches et pays pauvres, et l’inertie institutionnelle qui permet à cet état de fait de perdurer. Elle est souvent conjuguée au « théorème Singer-Prebisch » (du nom des deux économistes l’ayant théorisé), qui postule une « dégradation des termes de l’échange » : sur le long terme, le prix des biens à haute valeur ajoutée tendrait à augmenter plus rapidement que le prix des matières premières. Il s’agit, on s’en doute, d’un facteur supplémentaire de maintien ou de renforcement de cette asymétrie technologique…

    3 Dans Chili, 1970-1973 – Mille jours qui ébranlèrent le monde (Presses universitaires de Rennes, 2017), Franck Gaudichaud détaille par le menu ces contradictions qui caractérisent l’expérience gouvernementale chilienne.

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      Malgré les licenciements et la crise, le PDG de Google se porte très bien

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Wednesday, 26 April, 2023 - 12:30

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    La crise économique touche les employés de Google de plein fouet mais épargne le grand patron Sundar Pichai.

    Malgré les licenciements et la crise, le PDG de Google se porte très bien

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      Le business derrière nos données. Enjeux sur nos vies privées 1/3

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Friday, 20 January, 2023 - 03:50 · 5 minutes

    Article disponible en podcast ici .

    Drôle d’époque, notre vie privée attire les convoitises. Pourtant elle est justement privée mais depuis l’arrivée d’internet et de l’informatique, nous pouvons être traqués dans nos moindres faits et gestes dans nos vies en ligne.

    Gallimard ne sait rien de nos lectures. Amazon connaît tous nos achats et nous observe lorsque nous sommes sur sa liseuse Kindle. Universal ne connaît pas nos goûts musicaux. Spotify sait chaque seconde d’écoute. Le barman n’a que faire de nos conversations entre amis. Facebook les analyse toutes.

    Maintenant qu’une grande partie de nos vies est numérique, notre vie privée est devenue une bataille où s’affrontent violeurs et défenseurs de vie privée.

    Nous allons analyser les différents acteurs et le business des données sur internet. Pour ceux qui veulent protéger leur vie privée, je vous invite à regarder une de mes vidéos sur le sujet.

    Les violeurs de vie privée

    Marketing

    Bien sûr, on pense à Facebbok, Google ou Microsoft. À eux trois, ils gèrent les principaux messages envoyés par internet avec Messenger, Whatsapp, Gmail et Outlook. Ils disposent de 84 % des smartphones dans le monde avec Android et 75 % des ordinateurs avec Windows et ChromeOS. Ils contrôlent les principaux réseaux sociaux avec Facebook, Instagram, YouTube et LinkedIn. Ils ont même un droit de regard sur nos documents avec Office ou GSuite.

    C’est déjà énorme et pourtant cela reste la partie émergée de l’iceberg.

    Premièrement, la BigTech espionne nos mouvements en dehors de leurs sites. Google dispose de Google Analytics , un module à installer sur un site tiers pour analyser le trafic en échange de laisser Google espionner les visites sur le site web. Le gestionnaire du site peut visualiser les métriques de ses visites.

    Google Analytics est installé sur 80 % des sites web, ce qui permet à Google de surveiller 80 % d’internet. Sans oublier le navigateur Google Chrome qui doit permettre de surveiller les 20 % restants.

    Facebook n’est pas en reste : lui aussi propose un module à installer sur les sites, le Facebook Pixel . Ce composant se transforme en mouchard pour analyser le trafic des sites où il est présent.

    Deuxièment, à côté des BigTech, il existe des milliers d’entreprises pour collecter nos données, les revendre,  puis les mettre aux enchères.

    Oui vous avez bien lu, nos données finissent aux enchères, il y en a chaque fois que vous visitez un site web.

    Par exemple, vous naviguez sur internet à la recherche de vos prochaines vacances. Tout votre parcours est analysé, un profil marketing circule avec vous sur internet (homme à 80 %, CSP+ à 60 %, recherche vacances à 90 %).

    À chaque site visité, ce profil est mis aux enchères ( Programmatic advertising ), des robots vont se battre durant quelques millisecondes pour le compte d’annonceurs. Dans votre cas, une bataille entre hotels.com contre trivago.com . À la fin, le gagnant aura le droit d’afficher sa pub devant vos yeux.

    Tout ce processus se rejoue sur chaque site entre le moment où celui-ci s’affiche et que la pub apparaît.

    Mercenaire 2.0

    On restait jusqu’ici dans la sphère du marketing. Il existe aussi des entreprises de surveillances d’internet au service des gouvernements, des mercenaires du numérique 2.0.

    L’entreprise Palantir propose d’analyser les immenses données des citoyens en ligne pour les États, une sorte de NSA clé en main. Le gouvernement français l’utilise et même le NHS britannique a utilisé ses services durant le covid.

    On peut aussi citer NSO avec son logiciel Pegasus. Il sert à pirater le téléphone de n’importe qui. Son but est bien sûr de traquer les terroristes et les pédophiles. Il n’a toujours pas permis de retrouver les clients d’Epstein. Mais il a déjà été utilisé 50 000 fois au moins pour espionner des journalistes et militants des droits de l’Homme comme Ahmed Mansoor ou même des politiques. Le Maroc a utilisé ce logiciel pour espionner le téléphone de Macron .

    Les défenseurs

    Il existe de vrais acteurs qui militent pour nos vies privées, que ce soit des associations comme EFF aux États-Unis, la Quadrature du Net et Framasoft en France ; ou des entreprises comme Proton qui propose un concurrent entièrement chiffré à Gmail et Drive.

    Encore une fois pour ceux qui veulent plus de détails sur les applications et outils pour protéger leur vie privée, je vous renvoie vers ma vidéo à ce sujet.

    Mais certaines entreprises interrogent, telle Apple . Sur le papier Apple se veut un anti-Google. Son business model repose sur la vente de produits et services aux consommateurs et non sur la collecte de données.

    D’un côté Apple se donne les moyens : puces de sécurité T2 et capteurs biométriques sur tous leurs appareils pour chiffrer et mieux sécuriser ; mises à jour fréquentes et bug bunty pour éviter les failles ; implémentation du chiffrement de bout en bout dans diverses applications pour éviter la circulation en clair des données dans leurs serveurs ; meilleur cadrage et limite du traçage des applications tierces sur AppStore.

    De l’autre, Apple reste une entreprise fermée, ses appareils sont difficilement auditables. L’entreprise revendique la collecte de données sur l’AppStore et l’app Bourse. Dans l’affaire Snowden elle a bien travaillé avec la NSA. Le FBI lui demande de retirer le chiffrement. La Chine lui demande de retirer des apps pouvant aider les manifestants.

    Est-ce qu’Apple fait tout son possible pour protéger nos vies privées ou surfe-t-elle sur un simple argument marketing ?

    En tout cas pour certaines entreprises la question ne se pose même plus.

    L’entreprise Qwant se voulait un Google français respectueux de la vie privée. Après 25 millions investis par l’UE, le produit reste bancal, trop dépendant de Bing. Alors que d’autres solutions similaires ont réussi à émerger comme DuckDuckGo ou Brave Search. Pire : le salaire élevé de ses dirigeants a été révélé alors que la boîte ne gagne toujours pas un rond. Malgré l’afflux d’argent public, sa situation est telle qu’elle a emprunté 8 millions d’euros à Huawei pour éviter la faillite.

    Enfin son fondateur vient de partir pour lancer une entreprise de cybersurveillance . La crédibilité de Qwant est vivement touchée. Cela ressemble à une entreprise ramassant les subventions pour les « nobles causes ».

    Conclusion

    Il ne sert à rien de pointer du doigt un acteur ou une plateforme en particulier comme Tiktok. Tout internet viole votre vie privée réparti à travers des milliers d’acteurs !

    Il manque d’ailleurs l’acteur le plus important. Dans un prochain article, nous verrons quels rôles ont les États dans ce business de nos vies privées.

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      La drôle de guerre de Joe Biden contre les abus des GAFAM

      Yannick Chatelain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Tuesday, 17 January, 2023 - 04:20 · 6 minutes

    Lorsque Joe Biden part en guerre contre les abus des GAFAM, il vous faut savoir qu’il est entouré de trois conseillers au profil bien particulier qui pourraient donner du crédit à son discours et à sa volonté inflexible affichée : Lina Khan professeure de droit de l’université de Columbia (New York) très connue pour son combat pour la régulation des GAFAM ; Tim Wu de l’université de Columbia, un Démocrate qui a, entre autres, popularisé le concept de neutralité du réseau ; Jonathan Kanter , un avocat spécialisé dans l’antitrust.

    Face à une telle armada de personnes aussi déterminées si proches du pouvoir il y aurait de quoi faire trembler les GAFAM !

    Qui plus est, déjà en 2021 les Démocrates avaient dévoilé un plan antitrust virulent . La même année dans une interview accordée à Axios David Cicilline président de la commission antitrust de la Chambre des représentants avait déclaré qu’il ne voulait pas donner une cible facile aux grandes entreprises technologiques et à leurs armées de lobbyistes ; aussi projetait-il un projet de loi antitrust massif composé de multiples lois .

    Selon Cicilline, cette stratégie des multiples « petites cibles » poursuivait deux objectifs :

    1. Offrir de meilleures chances de trouver un terrain d’entente entre Démocrates et Républicains sur des questions plus ciblées.
    2. Rendre plus difficile pour Amazon, Facebook, Apple et Google de se mobiliser rapidement contre des réformes qu’ils n’approuvent pas.

    Tremblez GAFAM !

    Dans cette dynamique, en juin 2022 cinq projets de loi antitrust sur six étaient adoptés par la commission de la Justice de la Chambre des représentants américaine ; trois visaient les grands groupes de hautes technologies, le dernier qui pouvait contraindre les Big Tech à vendre certaines activités demeurait en attente. Intitulé « break ’em up » (démantelez-les), ce texte était alors confronté à une vive opposition de la Chambre de commerce des États-Unis et naturellement des groupes les plus directement visés, Amazon, Apple, Facebook et Alphabet.

    Le 24 juin le texte était approuvé par le Comité judiciaire de la Chambre des représentants des États-Unis à une voix près : 21 pour et 20 contre. Toutefois, par-delà ces « avancées » force est de constater qu’en août 2022 la vaste loi antitrust avait pris du retard … Le texte qui devait interdire aux GAFAM de privilégier leurs produits sur leur marketplace et qui constituait de fait une concurrence déloyale n’était toujours pas voté.

    In fine en décembre 2022 les géants des réseaux sociaux réussissaient à « vaincre » les mesures antitrust les plus ambitieuses.

    Et en même temps… le bal des hypocrites !

    En 2013, les révélations d’Edward Snowden sur les grands programmes de surveillance de masse menés par la communauté du renseignement américaine avaient mis à jour l’étroite collaboration des « abuseurs » avec les autorités.

    Par exemple, le programme PRISM permet à la NSA de « disposer d’un accès direct, hors procédure judiciaire, aux données hébergées par des entreprises comme AOL, Apple, Facebook, Google, Microsoft, Skype, Yahoo! et YouTube ».

    Par-delà les vœux pieux, par-delà ce lien douteux, ces entreprises-nations bénéficient par ailleurs d’un régime fiscal pour le moins discrétionnaire : en 2018, après avoir respectivement réalisé un chiffre d’affaires de 233 milliards et 80 milliards de dollars, Amazon et IBM n’ont versé aucun impôt fédéral aux États-Unis .

    Outre la victoire des GAFAM contre les lois antitrust les plus coercitives, un autre principe de réalité discrédite la volonté affichée par l’administration Biden.

    Il sera difficile de rompre certains grands contrats publics signés par ces entreprises-nations : le contrat JWCC ( Joint Warfighter Cloud Capability ) qui avait été initialement attribué à Microsoft avait été repoussé d’avril à décembre 2022. Le 6 décembre 2022 le ministère de la Défense annonçait l’attribution des contrats JWCC à Amazon Web Services Inc. ( AWS ), Google Support Services LLC , Microsoft Corporation et Oracle ! Un contrat de 9 milliards de dollars . Pour un démantèlement autant dire qu’effectivement cela va indéniablement dans le bon sens… Que dire ?

    Ce qui est d’autant plus préoccupant et qui rend le discours officiel anti GAFAM peu crédible , tout du moins peu à même de se concrétiser, ce sont concomitamment les opérations de lobbying des GAFAM. La question qui se pose désormais est la suivante, au regard du résultat du vote que j’avais évoqué (cf. loi « break ’em up » ) : n’est-il pas légitime de se demander qui « croque » au sein de la haute administration américaine ? Complotisme ? Pour rappel les GAFAM ont un budget colossal pour acheter les plus « incorruptibles » !

    Pour ce qui est de l’Europe, les organisations Corporate Europe Observatory et Lobby Control ont publié une enquête le 31 août 2021 évoquant les « pressions » exercées par des géants du numérique auprès des institutions européennes.

    On y apprend que : « ils sont 140 lobbyistes à frapper chaque jour à la porte des décideurs de l’Union européenne (UE) pour tenter de peser sur leurs décisions et de les rendre favorables aux dix plus grandes firmes mondiales du secteur numérique », à savoir Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) évidemment mais aussi IBM, Huawei, Vodafone, Qualcomm ou Intel. Pour un budget ne serait-ce que pour la France qui a triplé entre 2017 et 2021.

    Comme le pointait l’Observatoire des multinationales , une association qui milite pour l’encadrement des activités de lobbying :

    « Les filiales françaises des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ont déclaré en 2021 la somme de 4,075 millions d’euros de dépenses de lobbying en France, contre 1,35 million en 2017, soit une multiplication par trois ».

    Pour ce qui est des États-Unis et par-delà les déclarations va-t-en guerre du président Biden dans le Wall Street Journal comme le révélait le 30 octobre 2022 le Financial Times , suivant la même stratégie que celle décrite en Europe : les GAFAM n’ont pas cessé d’augmenter leurs dons en ciblant entre autres quatre groupe de réflexions très influents à Washington : le Center for Strategic and International Studies , le Center for a New American Security , la Brookings Institution et le Hudson Institute :

    « Le total des dons des entreprises Big Tech aux quatre groupes de réflexion est passé d’au moins 625 000 dollars en 2017-18 à au moins 1,2 million de dollars en 2019-2020. Ces chiffres pourraient atteindre 1,2 million de dollars en 2017-18 à 2,7 millions de dollars en 2019 2020 ».

    De façon plus générale un graphique étant plus parlant que tous les discours, le lecteur comprendra en découvrant celui de Statistica que le démantèlement annoncé de façon tonitruante par le président américain n’est pas encore pour demain. De façon une peu cavalière et au regard de tous les éléments que j’ai porté à votre connaissance lorsque le président des États-Unis « en appelle à l’union contre les abus des GAFAM » la phrase qui me vient à l’esprit pour conclure : « siffle beau merle, les grives t’écoutent. »

    Source : Statista « Big Tech Goes Big on Lobbying Efforts » par Florian Zandt , le 25 janvier 2022

    « Il est fâcheux de vous savoir dans l’erreur. Il serait infiniment pire de vous savoir hypocrite. » Elizabeth Gaskell

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      La page n°1 de Wikipedia en dit long sur le Web d’aujourd’hui

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Saturday, 14 January, 2023 - 08:00

    cleop-158x105.jpg Google Assistant a joué un rôle déterminant dans la popularité de la page Wikipedia de Cléopâtre

    Si une reine ayant vécu il y a deux millénaires domine Wikipedia, c'est en partie grâce à Google Assistant.

    La page n°1 de Wikipedia en dit long sur le Web d’aujourd’hui

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      La liberté d’expression désormais malade d’algorithmie

      Yannick Chatelain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Thursday, 12 January, 2023 - 04:25 · 2 minutes

    Dans un article publié le 30 janvier 2020 : « On peut rire de tout… mais pas avec la loi Avia ! » titre clin d’œil à la phrase de l’inénarrable Pierre Desproges : « On peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui ! », j’évoquais la problématique de la censure algorithmique augmentée prévisible et inhérente à cette la loi. Je m’interrogeais sur la suite et « plaisantais » sur une prévisible censure augmentée des réseaux sociaux en faisant référence à la phrase culte de Coluche : « je ne suis pas raciste mon chien est noir ! » qui moque naturellement le racisme et qui n’a aucune chance de faire rire un algorithme aux éclats.

    Néanmoins, au regard d’un curseur poussé vers le haut de la censure ou d’une personne travaillant pour une plateforme ne comprenant pas l’ironie ou détestant Coluche nous pouvons émettre l’hypothèse que sous la loi Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet adoptée à l’Assemblée nationale le 22 janvier dernier, ce type de phrase n’aura plus lieu d’être publiée ! Pas moins de 12 organisations non gouvernementales avaient alors lancé un appel pour s’opposer à cette loi . Celle-ci partait d’une bonne intention, mais pour autant, l’enfer en est pavé. Mesurant la dangerosité d’une telle loi, du Conseil national du numérique à la Commission nationale consultative des droits de l’Homme , en passant par la Quadrature du Net , tous étaient alors unanimes quant à sa dangerosité pour la liberté d’expression.

    Ces organismes étaient-ils alors trop alarmistes ? Étais-je complotiste ? Est-ce que j’exagérais ? Comme l’époque est à voir du complotisme partout pour annihiler tout débat, que dire ?

    Depuis cette publication, deux années ont passé… Les faits sont là, avec leur lot de sanctions aberrantes. Il n’est pas besoin d’utiliser trop de mots, deux écrans suffiront. Je laisse le lecteur juge de mon post sous mon nom de plume « Tonvoisin » et les conséquences désastreuses pour l’une de mes abonnées critique de publications : un an d’avertissement. Pour rappel, les blocages ou avertissements Facebook sont clairement expliqués par la structure :

    Il arrive que nous bloquions certaines fonctionnalités sur Facebook lorsque :

    • nos systèmes de sécurité estiment que le contenu que vous avez publié ou partagé semble suspect ou abusif ;
    • certains de vos messages ou invitations ont été marqués comme indésirables ;
    • vous avez effectué une action qui va à l’encontre de nos Standards de la communauté.

    La durée d’un blocage dépend de la gravité de l’infraction commise et de vos antécédents sur Facebook.

    Cela soustend que pour cette simple réplique parfaitement anodine, une critique de publications dont une partie de l’activité est sur Facebook va possiblement perdre des possibilités d’interactions et va désormais relire plus de sept fois ses posts pour ne pas être prise à nouveau par la milice algorithmique de l’ombre qui lui occasionnerait d’autres sanctions. Je vous laisse juge de la liberté d’inexpression qui, sous couvert de lutter contre la cyberhaine confiée à des algorithmes hautement sensibles et totalement désincarnés, se met en place et gangrène les réseaux de façon totalement absurde : la liberté d’expression est désormais malade… d’algorithmie !

    Mon post

    La réplique sanctionnée

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      Finalement le monde des GAFAM a des limites, lesquelles ?

      François Jolain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Monday, 12 December, 2022 - 03:40 · 5 minutes

    Article disponible en podcast ici .

    La réalité est brutale surtout quand on ne s’y attend pas. L’ascension des GAFAM semblait sans fin avec des taux de croissances à deux chiffres depuis 10 ans et des cours de bourse stratosphériques.

    Depuis six mois, c’est le drame, la chute est abrupte. Facebook, Google, Amazon et Twitter licencient tour à tour. Les limites sont atteintes, mais quelles sont telles ?

    Limite matérielle

    L’innovation peine

    En 1965, le CEO d’Intel prophétisa la loi de Moore qui prédit qu’en informatique les performances doubleront tous les deux ans. Cette loi a été vérifiée pendant 40 ans aussi bien pour la puissance de calcul, le stockage ou le débit internet.

    Malheureusement, les arbres ne montent pas au ciel et la technologie non plus. Les PC se satisfont très bien de leurs caractéristiques actuelles, pareil pour les offres internet.

    Les performances de calcul ont permis les jeux vidéo , le montage vidéo, le graphisme ou les logiciels d’ingénierie. Le stockage a permis le multimédia et notamment les baladeurs MP3. Le débit haute vitesse a permis le streaming et les logiciels collaboratifs.

    Les nouveaux processeurs n’apportent pas de nouveaux logiciels. La 5G n’apporte pas de nouveau service en ligne comme l’a fait la 4G avec le streaming .

    Sans nouvelle technologie disruptive, il n’y a pas de nouveau marché ni de nouveau produit.

    On peut noter l’apparition des Neuronal Process Unit (NPU), des composants dédiés à l’IA qui apportent un léger souffle au marché.

    Que peut-on vendre à quelqu’un qui a déjà un ordinateur, un smartphone, une télé ? Les montres et autres objectés connectés ne s’adressent pas à un marché aussi global, ils ne peuvent pas colmater le manque de dynamisme du numérique.

    Incertitude sur la supply chain

    On se rend compte aussi que le monde immatériel repose sur beaucoup de matériel. Le numérique nécessite une logistique mondiale et optimisée conçue durant la paxa america avec le dollar comme courroie d’entraînement de l’économie mondiale.

    Les perspectives de guerre entre la Chine et Taïwan ou la dédollarisation du monde entraîneront un choc dans la supply chain . Des composants électroniques risquent de manquer. Au moindre composant indisponible, c’est tout le château de cartes qui s’effondre, les usines sont à l’arrêt, le produit ne peut plus être fabriqué.

    D’autant que la pénurie peut provenir en amont de la fabrication, sur les matières premières. À mesure que le monde se numérise, des métaux comme le cobalt, le cuivre, l’aluminium ou le lithium deviennent critiques.

    Macron souhaite d’ailleurs ouvrir une mine de lithium en France pour anticiper la dépendance sur ce métal avec les voitures électriques.

    Limite humaine

    Les limites humaines entrent dans le bilan d’une entreprise des deux côtés.

    Coté chiffre d’affaires

    La source d’utilisateurs à conquérir se tarit. Cela fait bien longtemps que toute personne susceptible d’acheter un ordinateur en a un. De même avec les smartphones, tablettes ou télévision. Même les services en ligne se vident : Facebook perd des utilisateurs comme Netflix .

    Le marché du numérique n’a pas d’autre produit révolutionnaire en stock. On tente d’ouvrir des débouchés dans la réalité virtuelle ou le métavers , mais sans succès jusqu’à présent.

    Or la capacité à surfer d’un vague numérique à l’autre est la différence entre les gagnants et les perdants. Microsoft a bien failli couler car il restait bloqué dans le monde vieillissant du PC sans avoir réussi à prendre la vague du smartphone. Heureusement son pivotement vers le cloud avec Azure l’a sauvé. Certains n’ont pas eu cette chance, IBM a dû revendre sa branche PC à Lenovo, Nokia n’a pas réussi à passer du mobile au smartphone, Kodak est mort ainsi que la pellicule.

    Apple a réussi le grand chelem : d’abord en surfant sur le PC puis sur les baladeurs numériques. Ensuite il a ouvert la révolution des smartphones et tablettes. Et maintenant il surfe sur le wearable avec l’Apple Watch, qui se vend davantage que toutes les montres suisses et les earpods , et qui lui rapporte 12 milliards de dollars de bénéfice .

    Les Occidentaux sont donc globalement équipés et faute de nouvelle technologie ils ne veulent pas forcément changer de smartphone ou de tablette.

    En soi de nouveaux utilisateurs existent. Mais à défaut de l’Amérique ou de l’Europe qui disposaient déjà d’une infrastructure internet, les réserves d’utilisateurs se trouvent en Afrique, Asie ou en Inde. Pour les conquérir, il va fallait apporter le haut débit. Google et Facebook se lancent dans les câbles sous-marins ou des projets plus exotiques comme Google Loon . Toutefois le coût d’acquisition client vient de brusquement augmenter.

    Coté charges

    Elon Musk vient de révéler le pot aux roses . Après avoir licencié 50 % du personnel de Twitter, le site est toujours en ligne. À quoi servaient les 50 % virés ?

    Dans les entreprises tech, combien de personnes non productives se retrouvent à gesticuler entre le donneur d’ordre et l’exécutant ?

    La Silicon Valley s’est montrée particulièrement créative en bullshit job , des executive meeting manager , des happiness officers ou des comités éthiques à perte de vue.

    Quand le gâteau s’agrandit de 20 % par an, on ne se soucie pas de qui est à table. Maintenant qu’il rétrécit, on se demande si tous les convives ont participé en cuisine.

    Elon Musk sert de paratonnerre médiatique. Il n’y a pas que Twitter qui vire par milliers : Amazon licencie 10 000 personnes, HP 4000 , Facebook 11 000 et Google 10 000 .

    Conclusion

    L’industrie de la tech était bâtie sur des ressources illimitées qui se raréfient, une supply chain idéale qui se complexifie, un coût d’acquisition infime qui explose et une boulimie en ressource humaine pour satisfaire toutes les causes médiatiques.

    L’heure est venue à la rationalité, aux coupes budgétaires. L’argent doit aller dans les labos de recherche et non dans les comités woke ou écolos.

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      Pourquoi Téléperformance se retrouve à gérer des images pédophiles ?

      François Jolain · ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 23 November, 2022 - 03:50 · 4 minutes

    Article disponible en vidéo ici .

    Qu’est-il arrivé à Téléperformance ?

    L’entreprise Téléperformance était connue pour sa santé de fer et ses performances boursières. Son cours a été multiplié par 10 000 % depuis son introduction en bourse, au point de la faire entrer au CAC40 en 2020.

    L’entreprise emploie 420 000 personnes à travers le monde pour sous-traiter des services consommateurs distants, comme les centres d’appels pour le SAV ou la vente, ou encore le contrôle d’identité lors de l’inscription à une néobanque en ligne.

    L’un de ses services consiste à modérer le contenu en ligne, ce qui signifie traquer les images pédophiles ou terroristes. Les traumatismes induits chez ses employés ont éclaté dans un article du Time . Puis le vice-ministre colombien en charge des Relations du travail (l’affaire a lieu en Colombie) a ouvert une enquête sur l’entreprise.

    Pour quelle raison une entreprise privée doit-elle employer du personnel pour regarder des enfants se faire violer ?

    Comment Téléperformance se retrouve-t-elle à traquer les déviances humaines à la place de la police ?

    GAFAM et État pour le pire

    Le dérapage a commencé avec Facebook et Google. Les deux entreprises ont bâti leur empire sur la collecte des données de leurs utilisateurs.

    Elles n’hésitent pas à contrevenir à l’ article 12 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme :

    « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance. »

    Facebook espionne les messages y compris privés : il a par exemple donné à la police une correspondance entre une mère et sa fille .

    Google analyse tous vos emails : un père de famille a été radié de Gmail après avoir envoyé un mail à son pédiatre contenant une photo de son enfant nu.

    Or, avec une lettre, nous mettons bien une enveloppe pour que cette correspondance demeure privée. Il est interdit à La Poste comme à quiconque d’ouvrir notre courrier sous peine d’une amende de 45000 euros .

    C’est pourtant ce que font Facebook, Google et compagnie.

    Au lieu d’interdire cette pratique illégale, les gouvernements l’ont utilisé à leur avantage : d’abord en instaurant un espionnage de masse secret ; puis, constatant que même les révélations de Snowden ne choquaient pas le peuple, ils ont légalisé la pratique.

    Il est officiellement demandé aux acteurs d’internet d’espionner tout ce qui transite par eux ( loi Renseignement en France, Cloud Act aux États-Unis). Les plateformes doivent donc traquer les contenus illégaux.

    Encore une fois, on ne demandera jamais à La Poste de traquer les images pédophiles dans les courriers. Dans le monde physique, on refuse l’espionnage, la traque de contenus illégaux est faite par la police de manière ciblée.

    Mais Google et Facebook ont instauré un monde numérique sans vie privée. L’État y a vu une aubaine pour nous espionner. La traque est passée de la police aux compagnies privées.

    En théorie, tout est parfait d’après les GAFAM. Leur intelligence artificielle est tellement performante qu’elle peut tout détecter. Il ne doit donc pas y avoir d’humain dans le process . Pas d’humain, donc pas de souffrance pour lui et pas d’espionnage pour les utilisateurs.

    En pratique l’IA reste défaillante, elle peut facilement être bernée. Des humains sont donc apparus dans le process pour analyser en plus de l’IA. Ce job de modérateur a déjà fait parler de lui : personne n’est prêt pour regarder un tel contenu à longueur de journée.

    Tiktok a récemment eu une vague de contenus sexuels sur son réseau à l’insu de son IA. Le réseau sous-traite donc la modération de son réseau à Téléperformance.

    Encore une fois, ce boulot de modérateur n’a pas à être fait. La Poste ne l’a jamais fait sans qu’on y trouve à redire, pourquoi serait-ce différent sur internet ?

    Ce qu’on attend de l’État n’est pas un espionnage de masse délégué à des compagnies privées mais des enquêtes de police basées sur des indices et des faits, contrôlées par des juges. Or, ces temps-ci, le travail de la justice et de la police pour traquer les pédophiles semble au point mort.

    Le « suicide » d’ Epstein reste classé sans suite, ses clients ne semplent pas inquiétés. De même avec le disque dur très compromettant de Hunter Biden , la justice ou le FBI ne semblent pas pressés d’enquêter.

    Dans le monde physique, les États semblent laisser les pédophiles tranquilles. Par contre dans le monde numérique, ils nous prennent tous pour des pédophiles à surveiller.

    Loin de l’utopie libérale, Internet se transforme en régime totalitaire au-dessus du bon sens et des droits fondamentaux, pour le plus grand plaisir des États et des GAFAM. On se retrouve donc avec des jobs ignobles pour satisfaire les dirigeants.