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      Après les émeutes, le gouvernement accuse les réseaux sociaux

      news.movim.eu / JournalDuGeek · Monday, 3 July, 2023 - 07:30

    template-jdg-2023-07-03t091009-785-158x105.jpg Réseaux sociaux

    Les réseaux sociaux ont joué un rôle inédit dans les émeutes survenues la semaine dernière, et le gouvernement veut des sanctions.

    Après les émeutes, le gouvernement accuse les réseaux sociaux

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      Réforme des retraites : Macron face au pays

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Saturday, 4 February, 2023 - 11:18 · 13 minutes

    Si la mobilisation dans la rue et l’opposition à la réforme des retraites grandit, le gouvernement reste pour l’instant inflexible. Une opposition frontale qui risque de durer : la détermination des manifestants s’explique par la dureté des conditions de travail et la certitude que cette bataille sera déterminante pour bloquer l’agenda néolibéral d’Emmanuel Macron. Une analyse partagée par la majorité, ce qui explique qu’elle n’entende rien lâcher. Alors que la bataille se déroule désormais sur deux fronts, le Parlement d’un côté, la rue et les entreprises de l’autre, une défaite des syndicats offrirait un boulevard vers le pouvoir pour l’extrême-droite. Seule une grande vague de grèves peut entraver ce scénario.

    Plus le temps passe et plus l’opposition à la réforme des retraites s’étend. Après une première journée très réussie le 19 janvier, le gouvernement a passé les deux dernières semaines à se prendre les pieds dans le tapis. Arguments contradictoires, refus de toute modification du cœur du projet, tentative de manipulation de l’opinion par un dîner entre Macron et 10 éditorialistes , humiliation du Ministre du travail Olivier Dussopt durant des débats télévisés… Le plan de bataille concocté par les cabinets de conseil et les technocrates a lamentablement échoué. Comme lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne, plus les élites font de la « pédagogie », plus les Français s’informent et leur opposition s’étend. Résultat : le 31 janvier, le nombre de manifestants a augmenté de 40% et atteint des niveaux historiques depuis 30 ans avec 2,8 millions de personnes dans la rue selon les syndicats. En parallèle, les sondages successifs indiquent tous une hausse du soutien à la contestation et une colère croissante contre la réforme et le gouvernement .

    Pourquoi la réforme passe si mal

    Si l’issue de la réforme est encore incertaine, la bataille de l’opinion aura donc été gagnée rapidement. Outre les couacs et la suffisance des ministres et des députés macronistes, cette victoire écrasante des opposants s’explique par trois facteurs : l’absence de justification de la réforme, un changement de perception du travail et un contexte de colère sociale latente depuis des mois.

    D’abord, la réforme elle-même. A mesure qu’elle est étudiée sous tous les angles, chacun découvre une nouvelle injustice. On pense notamment aux femmes, pénalisées par leurs carrières souvent incomplètes de l’aveu même du ministre Stanislas Guérini ou au minimum vieillesse à 1200 euros rendu incertain par des « difficultés techniques » (sic). Surtout, la grande majorité des Français a compris que le régime actuel de retraites n’est pas en péril et que cette réforme n’a rien d’inéluctable, comme l’a rappelé à plusieurs reprises le Conseil d’Orientation des Retraites (COR). Les arguments de la gauche, qui propose d’autres méthodes pour équilibrer le système et ramener l’âge de départ à 60 ans, ont aussi réussi à percer : l’augmentation des salaires, la suppression des innombrables exonérations de cotisations , l’égalité de salaires entre les femmes et les hommes, la taxation des patrimoines et dividendes, voire la hausse des cotisations sont d’autres possibilités, bien plus justes que de forcer les Français à travailler deux ans de plus. A force de miser sur le caractère technique de la réforme pour la faire passer, le gouvernement aura finalement réussi à intéresser les citoyens au fond de son projet. Le mépris permanent des macronistes a fait le reste. Comme l’a résumé Richard Ramos, député MODEM (parti membre de la majorité), « la pédagogie c’est dire “j’ai raison, vous êtes des cons ” ».

    Si les Français restent attachés à la « valeur travail », ils sont également 45% à déclarer se lever uniquement pour le salaire.

    Outre le caractère injustifié de la réforme, celle-ci se heurte aussi à un changement de regard sur le travail . Rester deux ans de plus dans l’emploi est d’autant plus impopulaire que cela paraît impossible pour beaucoup. D’abord, il y a ceux qui craignent de mourir avant la retraite . Pour les autres, il faut conserver son poste dans un pays où le taux d’emploi des seniors est particulièrement bas ( 35,5% chez les 60-64 ans ). Un problème sérieux auquel le gouvernement entend répondre par un index, un dispositif qui a déjà montré son inutilité totale contre les inégalités de salaires entre hommes et femmes. En outre, le travail devient plus dur pour beaucoup : le nombre de travailleurs cumulant au moins trois critères de pénibilité physique a triplé depuis les années 80 en raison de l’intensification du travail. La souffrance psychique et les burn-outs ont eux aussi explosé. S’ajoute aussi la crise de sens du travail, un phénomène d’autant plus important ( 60% des actifs sont concernés ) qu’il peut s’expliquer par des facteurs très divers (sentiment d’exercer un « bullshit job », manque de moyens pour bien faire son travail, contradiction avec ses valeurs…). Enfin, ce panorama est complété par une instabilité croissante de l’emploi avec la multiplication des CDD, intérim et autres régimes précaires. Ainsi, si les Français restent attachés à la « valeur travail », ils sont également 45% à déclarer se lever uniquement pour le salaire . Dans ces conditions, on comprend que 93% des actifs rejettent la perspective de se voir confisquer deux années de repos mérité.

    Enfin, cette contre-réforme arrive dans une période de grande tension sociale dans le pays. Alors que les salaires sont rognés par une inflation inédite depuis des décennies, le sentiment de déclin et d’appauvrissement se généralise. Les petits chèques, la remise à la pompe ou le bouclier tarifaire n’ont en effet pas suffi à contenir la baisse de pouvoir d’achat de la majorité de la population. Pendant ce temps, les multinationales de certains secteurs (énergie, transport maritime, négoce de céréales…) ont réalisé des superprofits colossaux que le gouvernement se refuse à taxer. Un deux poids deux mesures qui a de plus en plus de mal à passer. L’inaction face à la dégradation de plus en plus visible des services publics (santé, éducation, justice) et au changement climatique après un été caniculaire et une sécheresse historique inquiète aussi une grande part de la population, qui craint de laisser un pays « tiers-mondisé » à ses enfants. Ajoutons enfin que les élections de 2022 dont se prévaut le Président de la République pour justifier sa réforme ne lui ont pas donné une grande légitimité : il a en effet été réélu en grande partie par défaut et a perdu sa majorité absolue au Parlement. Dans un tel contexte, l’écrasante majorité de la population ne comprend pas pourquoi cette réforme non nécessaire est une priorité politique.

    Une bataille parlementaire compliquée

    La réponse à cette interrogation est double. D’une part, Macron ne digère toujours pas de ne pas avoir pu aller jusqu’au bout de sa tentative d’attaque du système de retraites en 2020. Son électorat attend d’ailleurs de lui qu’il renoue avec l’ardeur néolibérale dont il faisait preuve jusqu’à la crise sanitaire. Affaibli par les dernières élections, le chef de l’Etat compte sur cette réforme pour indiquer à ses soutiens qu’il ne compte pas se « chiraquiser », c’est-à-dire être un Président plutôt absent et sans cap pour son second mandat. D’autre part, Emmanuel Macron veut achever ce qui reste des Républicains, en les forçant à le soutenir ou à rejoindre Marine Le Pen. Or, la réforme des retraites est depuis longtemps une revendication majeure des élus LR. Macron espère donc leur tendre un piège : soit ils la votent et devront finir par assumer que le locataire de l’Elysée applique leur programme, et donc le soutenir; soit ils ne la votent pas et leur retournement de veste les pulvérisera à la prochaine élection.

    Initialement, ce calcul politique semblait habile. Mais l’ampleur de la contestation inquiète jusque dans les rangs de la Macronie et des LR. Or, 23 défections dans le camp présidentiel ou chez les Républicains suffisent à faire échouer l’adoption du texte à l’Assemblée Nationale. Un scénario possible selon les derniers décomptes menés par Libération et France Inter , qui indiquent un vote très serré. Pour trouver une majorité, le gouvernement n’a donc plus d’autre choix que de menacer les parlementaires : sans majorité, il dégainera l’article 49.3 et envisagera sérieusement de dissoudre la chambre basse . Or, nombre de députés ont été élus par une très fine majorité en juin dernier et craignent de voir leur siège leur échapper. Cette perspective peut les conduire à réfléchir à deux fois avant de rompre la discipline de vote.

    Cette réforme est une occasion en or pour Marine Le Pen de faire croire qu’elle défend les conquêtes sociales, tout en ne prenant aucun risque.

    Pour les deux autres blocs politiques, la NUPES et le Rassemblement National, cette séquence paraît plus simple à aborder : leur opposition au texte les place du côté de la majorité des citoyens. A gauche de l’hémicycle, on se prend à espérer une première victoire majeure contre Macron. Un succès dont l’alliance bâtie hâtivement à la suite des présidentielles aurait bien besoin pour survivre : l’affaire Quatennens, le congrès du PS, les petites polémiques successives et la perspective des élections européennes fragilisent fortement l’union. Une attaque sur un symbole aussi fort dans l’imaginaire du « modèle social » français – ou du moins ce qu’il en reste – offre donc une occasion de tourner la page des derniers mois. Toutes les armes sont donc sorties : réunions publiques en pagaille, participation aux manifestations, tournée des plateaux, tsunami d’amendements…

    Du côté du Rassemblement National, on jubile. Cette réforme est une occasion en or pour Marine Le Pen de faire croire qu’elle défend les conquêtes sociales, tout en ne prenant aucun risque. Le RN doit en effet faire oublier qu’il a voté contre l’augmentation du SMIC et proposé de supprimer des cotisations patronales , ce qui revient à fragiliser la Sécurité sociale dont le système de retraites fait partie. Heureusement pour la dynastie Le Pen, le gouvernement lui a offert une belle opportunité de marquer des points. Ainsi en est-il de la demande de référendum sur la réforme des retraites, une proposition initiée par les communistes, reprise ensuite par la NUPES et le RN : au terme d’une procédure contestable, la défense de cette motion référendaire a été confiée à l’extrême-droite. D’ores-et-déjà, le PS et EELV annoncent qu’ils ne la voteront pas afin de ne pas légitimer le RN. Avant même le vote le 6 février prochain, Marine Le Pen a donc déjà gagné : si cette motion est soutenue par la FI et le PCF, elle pourra affirmer qu’elle est rassembleuse; si les députés de gauche la rejettent, elle pourra les accuser de sectarisme et de malhonnêteté.

    L’urgence d’une grève générale

    Pour chacun des trois blocs politiques majeurs, la bataille des retraites est donc décisive. Du côté de la Macronie, arriver à passer en force contre les syndicats et la majorité de la population sur un sujet aussi essentiel serait une victoire comparable à celle de Margaret Thatcher contre les mineurs britanniques en 1984 . Le pouvoir espère qu’une telle démonstration de force permettra de réinstaurer un climat de résignation et de nihilisme pour un moment, lui permettant de terminer son œuvre de destruction du pays. Dans le cas où ce scénario deviendrait hors de portée, Macron a cependant élaboré un plan B : la dissolution de l’Assemblée. « Au mieux, ce serait l’occasion de retrouver une majorité absolue dans l’hémicycle. Au pire, le Rassemblement national (RN) remporterait une majorité de sièges » estime le camp présidentiel . Macron ne paraît pas très inquiet par cette seconde éventualité : si Marine Le Pen accepte Matignon, il espère que cela l’affaiblira; si elle refuse, il pourra affirmer qu’elle ne veut pas le pouvoir ou n’est pas capable de l’exercer.

    Si ce scénario est évidemment risqué, le chef de l’Etat sait que son camp a tout intérêt à affronter l’extrême-droite au second tour. Il espère donc la renforcer juste assez pour qu’elle passe devant la gauche au premier tour, puis la battre au second. Ce calcul cynique convient très bien à Marine Le Pen, puisqu’il la renforce sans qu’elle n’ait besoin de faire de grands efforts. La cheffe des députés RN a également un discours bien rodé en cas de passage de la réforme : comme avec la NUPES dans l’hémicycle, elle n’hésitera pas à accuser les syndicats d’incompétence et d’hypocrisie, en arguant que ceux-ci ont appelé à la faire battre au second tour. La combinaison de cette délégitimation du mouvement syndical et de la gauche avec la colère de Français exaspérés par la dégradation de leur niveau de vie lui offrirait alors un boulevard vers l’Elysée.

    Le mouvement social compte un soutien de poids : l’opinion. 64% des Français tiendraient le gouvernement pour responsable en cas de blocage du pays.

    Ainsi, au-delà de la protection d’une conquête sociale majeure, la bataille actuelle risque de peser lourd dans la prochaine élection présidentielle. Casser la relation vicieuse de dépendance mutuelle entre le bloc bourgeois et l’extrême-droite nécessite une victoire du mouvement social contre cette réforme. Si la mobilisation des députés dans l’hémicycle et des manifestants dans la rue constitue deux points d’appui importants, ils risquent cependant de ne pas suffire. Au Parlement, le temps contraint du débat, le probable retour à la discipline de vote chez Renaissance et LR et la possibilité d’un 49.3 laissent peu d’espoirs. Dans la rue, la mobilisation considérable est encourageante, mais elle risque de s’étioler au fil des semaines et la répression – pour l’instant très faible – peut faire rentrer les manifestants chez eux.

    Seules de grandes grèves peuvent faire plier le gouvernement : si les salariés ne vont plus travailler ou que l’approvisionnement des entreprises est remis en cause, le patronat se retournera contre le gouvernement, qui n’aura d’autre choix que de reculer. Pour l’instant, les syndicats se montrent plutôt timides, préférant des « grèves perlées » environ un jour par semaine à des grèves reconductibles. Bien sûr, l’inflation et l’affaiblissement du mouvement ouvrier rendent l’organisation de grèves massives plus difficile que par le passé . Mais le mouvement social compte un soutien de poids : l’opinion. Selon un récent sondage, 64% des Français tiendraient le gouvernement pour responsable en cas de blocage du pays . Un tel chiffre étant particulièrement rare, les syndicats ont tout intérêt à s’en saisir. En outre, des actions comme le rétablissement de l’électricité à des personnes qui en ont été coupé pour impayés ou sa gratuité pour les services publics conforte l’appui des Français à la lutte des salariés. Après la victoire de la bataille de l’opinion et du nombre dans la rue, il est donc temps de passer à l’étape supérieure : la grève dure. Face aux tactiques immorales du gouvernement et de l’extrême-droite, cette stratégie apparaît désormais comme la seule capable de les faire battre en retraite.

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      Retraites : quelques motivations à l’opposition au report de l’âge légal

      ancapism.marevalo.net / Contrepoints · Wednesday, 1 February, 2023 - 04:30 · 15 minutes

    Avec un taux de syndicalisation de 10,8 % déclaré en 2022 , et même si tous les syndicats sont d’accord, ces derniers ne pèsent objectivement pas bien lourd. C’est probablement sur ce constat que compte le gouvernement pour faire passer sa énième tentative de stabilisation financière du régime des retraites en France.

    Il est vrai que l’examen de la pyramide des âges, de l’espérance de vie et du taux de natalité en France n’incite pas à l’optimisme quant à la survie du régime actuel des retraites . Point n’est besoin de consulter le COR ou tout autre institut pour constater que le rapport entre le nombre de personnes à la retraite et le nombre de personnes en activité augmente et continuera à le faire, ce qui en régime de répartition entraîne mathématiquement soit une diminution des pensions, soit une augmentation des cotisations. À moins qu’on s’accorde sur la décision de déplacer l’âge où l’on passe de la période d’activité à celle de la retraite. Il ne devrait d’ailleurs même pas y avoir de débat sur le sujet tant l’évidence saute aux yeux. D’ailleurs, la plupart des pays qui nous entourent ont largement remonté cet âge et poursuivent cette tendance sans qu’apparemment les salariés de ces pays ne s’opposent avec détermination à cette mesure de bon sens, comme cela se passe singulièrement en France.

    Alors, pourquoi chez nous cette opposition apparemment unanime et à vrai dire complètement surréaliste ?

    La réponse n’est pas la même suivant le clan qui s’y oppose.

    Les insoumis

    Ils sont par principe opposés à tout ce que propose le gouvernement. Ils voient tout d’abord dans l’opposition à cette mesure une occasion de déclencher la pagaille dans le pays, ce qui peut peut-être leur donner l’opportunité de prendre une partie du pouvoir, et/ou de le retirer à l’équipe actuelle. Ils sont de ce fait totalement imperméables au simple calcul démographique et d’ailleurs n’en ont rien à faire puisque leur objectif (la pagaille) est ailleurs. Ils ne changeront donc pas d’avis sur le sujet.

    Le Rassemblement national

    Il suit le même chemin que les Insoumis mais pour des raisons totalement contraires. En effet, ses dirigeants comptent probablement sur l’effet que produira la pagaille provoquée par la décision de remonter l’âge de la retraite pour récupérer les voix des électeurs qui désirent voir l’ordre et la discipline régner à nouveau.

    La CFDT

    Au départ, son secrétaire général Laurent Berger a vu l’opposition à l’augmentation de l’âge de départ en retraite une posture lui permettant de conforter sa position aux élections professionnelles. Devenue ensuite le premier syndicat de France, la CFDT a conservé cette revendication ressentie comme très porteuse pour ses adhérents, (surtout pour ceux qui ne s’intéressent pas à la démographie, mais plutôt à leurs conditions personnelles). Aujourd’hui, Laurent Berger ne peut de toutes façons plus se dédire. Il est même obligé de pousser en avant sa position, ce qui pourrait devenir un boulet lourd à porter selon l’évolution des choses…

    La CGT

    Elle considère que le raccourcissement du temps de travail est démontré par l’Histoire. En bonne marxiste, elle préfère s’appuyer sur l’idéologie plutôt que sur les conditions réelles. On peut penser qu’elle finira par s’écraser sur la réalité exactement comme l’a fait l’URSS en son temps.

    Le manifestant de base

    Ni syndiqué, ni encarté à aucun parti, il participe aux manifestations et ne réfléchit peut-être pas trop à l’évolution des conditions démographiques. Il pense que ce sont « les autres » qui paieront, et aussi que puisque le système a marché jusqu’à présent, il doit pouvoir continuer à le faire au moins pendant toute la durée de sa propre retraite. C’est une position somme toute très pragmatique, surtout si on se rapproche de l’âge en question et qui n’a peut-être pas été assez prise en compte par le Président…

    Cependant, tous les acteurs de la comédie des retraites ont aussi plusieurs autres raisons, dont certaines ne sont pas ouvertement exprimées, de s’opposer à la réforme telle qu’elle est présentée par le gouvernement. Voici quelques-unes de ces motivations, certaines ouvertement exprimées d’autres soigneusement gardées cachées.

    Augmenter la place de l’État

    Que se passe-t-il si les dépenses représentées par les pensions versées dépassent les recettes représentées par les cotisations ?

    Eh bien c’est l’État qui paie la différence en mettant en place, bien entendu, un nouvel emprunt. Or, c’est exactement ce que ces syndicats désirent : que les retraites soient rendues aussi indépendantes que possible des cotisations salariales et soient plutôt payées par l’impôt puisque c’est à cela qu’aboutit finalement le système de l’emprunt. Il ne faut donc surtout pas toucher à la situation actuelle de déficit permanent. L’ iFRAP constate d’ailleurs que si les employeurs publics cotisaient au même taux que les employeurs du privé comme ils devraient logiquement le faire, un besoin de financement résiduel de 30 milliards apparaîtrait qui devrait logiquement être couvert par une subvention d’équilibre bien identifiée. Ce chiffre est structurel et récurrent. Mais bien évidemment, pour les politiques au pouvoir il vaut mieux masquer ce déficit sous une couche bien épaisse de postes comptables mis en place pour la circonstance…

    La réaction unanime de la gauche qui soutient la revendication des syndicats n’a pas d’autre motivation que celle d’étendre encore un peu plus l’emprise de l’État sur l’économie.

    Se refaire une santé sur le dos du président

    C’est le calcul des syndicats et particulièrement de la CGT et de la CFDT.

    Pour ces deux syndicats, l’homme à abattre c’est Macron. S’ils arrivent à ruiner son deuxième quinquennat, voyez donc tout ce que ce succès peut représenter pour ces organisations qui représentent surtout elles-mêmes à l’heure actuelle, mais qui jouissent de fait d’un pouvoir aussi exorbitant qu’injustifié au vu de leur représentativité.

    Reconnaissons cependant que le premier round a été remporté haut la main par ces organisations qui n’espéraient sans doute pas autant de la première journée de manifestations.

    Maintenant, il s’agit de conclure et ce ne sera sans doute pas aussi facile : si le rapport des voix ne change pas, la réforme des retraites sera votée par les députés sans que le recours au 49-3 soit nécessaire. Mais si celui-ci change, par exemple si certains républicains changent d’avis à la suite de la manifestation de jeudi dernier, il pourrait ne pas y avoir suffisamment de voix pour que la réforme soit acceptée.

    Dans ce cas, seul l’article 49-3 permettrait au gouvernement de faire passer la loi sans aucun amendement. Ne resterait alors à l’opposition que le recours au Conseil constitutionnel.

    Tenir compte des « carrières longues »

    Un argument contre la réforme, apparemment d’ailleurs accepté par le gouvernement, est ce que la CFDT nomme la « prise en compte des carrières longues ».

    D’après cet argument, il serait normal qu’une personne ayant commencé à travailler tôt, disons à 16 ans, soit autorisée à prendre sa retraite plus tôt que celle qui a fait des études et a donc commencé plus tard à travailler. L’égalité consistant, toujours d’après cet argument, à rendre égaux pour tous les temps d’activité professionnelle considérés comme une contrainte à partager également.

    Analysons donc plus précisément le temps qui s’écoule entre le moment où la première personne commence à 16 ans à travailler et le moment où la seconde commence à son tour, à 23 ans.

    Pendant ces sept ans, la première est occupée à un travail rémunéré et la seconde généralement à faire ses études, lycée, puis fac ou prépa + école supérieure. Peut-on réellement considérer que la période d’études de la deuxième a été un paradis en comparaison de la même période mais de travail salarié, de la première ? Dans mes souvenirs, la période de la prépa a été celle où je me suis le plus arraché. J’ai connu plusieurs camarades qui ont lâché prise ou sont tombés malades à l’époque à cause de la pression excessive qu’ils ont eu à subir durant cette période. Connaissez-vous beaucoup de jeunes au travail qui tombent malades à cause de ce travail ? Remarquons au passage que d’après sa biographie , il semble que monsieur Berger n’ait pas connu lui-même dans ses études la période des concours…

    En réalité, cette différence dans le cours d’une vie, examinée au moment de la retraite, c’est-à-dire après une quarantaine d’années, n’a réellement plus aucune signification et ne peut donc être considérée comme un motif de retraite anticipée malgré l’apparente unanimité dont cette mesure semble bénéficier, ce qui prouve d’ailleurs que les tenants de celle-ci n’ont pas beaucoup réfléchi au problème…

    Tenir compte de l’« usure du corps »

    Les adversaires du report de l’âge de départ sous-entendent dans leur discours un autre argument.

    D’après elles mais sans que cela soit jamais clairement exprimé, les facultés physiques et mentales des travailleurs seraient plus ou moins affectées après soixante ans, justifiant la mise à la retraite à cet âge. Évidemment, cet argument ne peut être présenté directement car ce serait quelque part une insulte envers ceux qui se rapprochent de cet âge.

    Cependant, pour avoir traversé cette période il y a longtemps déjà, je peux assurer que l’usure du corps dont on parle, si elle commence en réalité bien plus tôt en ce qui concerne par exemple la vue, ne devient gênante pour certaines activités que bien plus tard, disons largement après 70 ans. Pour les activités plus intellectuelles, je dirais plutôt après 80 ans, et j’en veux pour preuve le présent article…

    En réalité et dans la grande majorité des cas, il existe donc une très large plage d’âge après l’âge actuel légal de départ en retraite pendant laquelle on peut continuer à travailler sans aucune difficulté. D’ailleurs, d’innombrables exemples, surtout parmi les professions libérales, viennent confirmer cette affirmation. Le problème vient plutôt du fait que ceux qui s’expriment sur la question de l’âge de départ, gouvernement compris, ont elles-mêmes, pour la plupart, un âge bien inférieur et sont donc sans expérience personnelle réelle.

    Par ailleurs, je ne conteste évidemment pas du tout l’usure provoquée par certains emplois comme le port de charges lourdes ou le travail de nuit mais j’entends qu’il s’agit d’un autre débat, non généralisable.

    Défendre le fonctionnariat

    Certains syndicats, et la CGT en particulier, exploitent pour leur compte l’inquiétude sourde de certains fonctionnaires ou assimilés qui voient progresser l’idée que certaines tâches dévolues à ce qu’on appelle le « service public » peuvent très bien être assurées avec succès par le privé.

    D’ailleurs, en faisant quelquefois appel au privé, le gouvernement essaye de s’affranchir de règles jugées par trop contraignantes comme par exemple à la SNCF l’impossibilité de faire assurer plusieurs tâches différentes par la même personne. L’ouverture à la concurrence du trafic ferroviaire voyageur et le succès sur la ligne Paris-Milan de Trenitalia est sûrement un exemple qui renforce cette inquiétude.

    Mais en réalité, ce que les syndicats veulent surtout défendre c’est tout simplement la sécurité de leur emploi de fonctionnaires.

    Défendre les « régimes spéciaux »

    Vous êtes-vous demandé pourquoi les employés du gaz et de l’électricité ainsi que les employés des raffineries étaient particulièrement en pointe dans la lutte contre la réforme des retraites ?

    C’est tout simple : il défendent bec et ongles leur « régime spécial ». Eh oui : ils ne sont pas fonctionnaires mais bénéficient d’un régime de retraite tout à fait équivalent. Par exemple, le montant de leur retraite est calculé sur leur salaire des six derniers mois et non pas sur les 25 meilleures années comme dans le reste du privé. Ces petits avantages font de ces heureux bénéficiaires des privilégiés très combatifs contre la réforme qui veut supprimer ces avantages.

    Pour remporter la victoire, le gouvernement a l’intention de faire jouer la « clause du grand-père » qui consiste précisément à n’appliquer la réforme qu’aux nouveaux entrants, ce qui signifie que l’application réelle de cette réforme n’aura lieu qu’au moment où les nouveaux entrants partiront à la retraite, soit dans plus de quarante ans…

    Donner du travail aux seniors

    On feint souvent de déplorer le chômage des seniors c’est-à-dire des personnes proches de la retraite. L’explication de cette situation particulière est simple.

    Sous l’influence très marquée du statut de l’emploi public , quel que soit son travail, le salaire augmente en fonction de l’âge. En effet, même sans aucune amélioration de la qualité de leur travail ou de leur expérience, les fonctionnaires, suivis en cela par certains des salariés des grandes entreprises, sont assurés d’une augmentation automatique de leur salaire dans le temps. Par ailleurs, on ne voit que très peu de salaires qui diminuent. Le résultat très négatif pour les seniors est que pour le même poste l’employeur préfère toujours un jeune, les salaires attendus par le futur employé pouvant aller du simple au double et même au-delà par le simple effet de l’application des conditions d’âge. Le phénomène est particulièrement marqué dans les grandes entreprises où les emplois sont souvent pourvus par mutation interne.

    Pour améliorer l’emploi des seniors, il suffirait de déconnecter les salaires de l’âge du salarié en supprimant les augmentations automatiques. Mais il s’agirait certainement d’une véritable révolution, et je veux bien parier qu’en France, les seniors continueront probablement encore longtemps à rechercher un emploi…

    Question subsidiaire

    Cette grève générale à laquelle la gauche rêve, est-elle licite ?

    En effet, la question ne semble pas avoir été débattue. Si on se réfère à la jurisprudence, le mouvement de grève ayant pour objet la manifestation de l’opposition à une réforme des retraites n’avait pas été jugée illicite au moment de la tentative d’Alain Juppé en 1995. Ce fait sert de base aux syndicats pour assurer que les mouvement de grève qui concernent la question sans doute très politique de l’âge du départ à la retraite seront considérés comme des grèves pour motif professionnel ; la grève pour motif politique étant en effet tout simplement illégale.

    Cependant, il existe de profondes différences entre la situation de 1995 et celle d’aujourd’hui, ce qui fait que les certitudes syndicales ne sont peut-être pas aussi solides que ça.

    En conclusion

    Il me semble qu’une question simple comme : « acceptez-vous de travailler un peu plus longtemps (deux ans sur 40) afin que pendant les dix prochaines années vos cotisations retraite ne soient pas augmentées et que vos futures retraites ne soient pas diminuées ? Sinon, préférez-vous la diminution des retraites ou bien l’augmentation des cotisations ? » pourrait faire l’objet d’une votation à la Suisse sous la forme d’un QCM puisqu’il est demandé une réponse à trois questions, et sous réserve que ces questions soit bien conformes à la Constitution.

    Cette votation serait destinée à tous les Français, l’occasion (manquée jusqu’à aujourd’hui) de réfléchir enfin sur le vrai problème des retraites. Il conviendrait d’accorder au moins six mois à un an aux Français pour réfléchir calmement à la question. Cependant, tant que l’on s’obstinera à garder comme un totem le système de retraite par répartition, il faudra périodiquement faire une nouvelle réforme. Et les retraites seront de plus en plus maigres, l’âge de la retraite de plus en plus tardif et les cotisations de plus en plus lourdes.

    Il faut savoir que le système de la répartition qui avait été choisi initialement par le gouvernement de Vichy et repris en 1945 dans le programme du Conseil National de la Résistance, où l’argent des cotisations sert à payer immédiatement les retraites était à l’époque très intéressant pour les deux raisons suivantes :

    1. Il ne demandait aucun financement immédiat au gouvernement. ( tu parles d‘une aubaine ! )
    2. Le rapport du nombre de cotisants sur le nombre des retraités était alors très favorable. (ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui).

    La répartition n’a pas été choisie pour d’autres motifs.

    En revanche, il y a aujourd’hui une raison non avouée de la conserver à tout prix : pour le gouvernement c’est une façon une façon de garder la main sur le sort de tous les salariés , ce qui n’est pas mince, et sans doute fondamental pour lui. D’où le mythe de la solidarité entre générations inventé pour la circonstance, mais qui n’a aucune réelle consistance.

    Si les Français veulent vraiment reprendre pour eux-mêmes une partie de la Liberté, premier mot de la devise de la République, il doivent se débarrasser rapidement de cette répartition, système injuste et économiquement non performant qui ne présente d’avantages que pour nos gouvernants.

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      « Les mouvements sans grève ne gênent personne » – Entretien avec Jean-Marie Pernot

      news.movim.eu / LeVentSeLeve · Sunday, 29 January, 2023 - 21:56 · 27 minutes

    La forte opposition à la réforme des retraites met de nouveau les syndicats au centre du jeu politique. Après une mobilisation historique le 19 janvier dans la rue, de nouvelles manifestations sont prévues et des grèves se préparent dans plusieurs secteurs. Mais pour Jean-Marie Pernot, politologue et spécialiste des syndicats, un mouvement social se limitant à des manifestations et à quelques « grèves par procuration » ne sera pas suffisant pour faire reculer le gouvernement. L’organisation de grèves dures sera néanmoins ardue, tant les syndicats se sont affaiblis durant les dernières décennies. Dans cet entretien fleuve, l’auteur de l’ouvrage Le syndicalisme d’après. Ce qui ne peut plus durer revient sur les raisons de ce déclin, entre bureaucratisation, incapacité de la CGT et de la CFDT à s’unir, liens compliqués avec les partis politiques ou encore inadéquation entre la structuration des grandes confédérations et l’organisation du salariat contemporain. Propos recueillis par William Bouchardon.

    Le Vent Se Lève : La mobilisation contre la réforme des retraites a débuté par une grande manifestation jeudi 19 janvier, avec entre 1 et 2 millions de personnes dans la rue, ce qui est assez historique. Néanmoins, malgré l’unité syndicale, le choix d’une prochaine date de mobilisation tardive le 31 janvier et des suites un peu incertaines suivant les secteurs donnent l’impression d’une fébrilité des syndicats. Comment analysez-vous ce début de mobilisation ?

    Jean-Marie Pernot : D’abord, si je peux bien sûr être critique des syndicats, il faut quand même relever qu’ils ne sont pas morts. Qui est capable dans ce pays de mettre un à deux millions de personnes dans la rue ? Tout affaiblis qu’ils soient, on constate quand même que les syndicats ont réussi cela, grâce à une certaine unité. Certes, cette unité est défensive car les syndicats n’ont pas tous le même avis sur les retraites, mais l’opposition à la réforme les réunit. Ce qui me frappe beaucoup dans cette première journée de mobilisation, même si on l’a déjà vu en 2010, c’est la mobilisation dans les petites villes. 1500 personnes à Chaumont (ville de 22.000 habitants en Haute-Marne) par exemple. C’est assez rare pour le souligner. Donc les syndicats ne sont pas morts. Bien sûr, les retraites sont au cœur du pacte social et c’est un sujet très sensible, d’où l’ampleur de la mobilisation.

    Une fois dit cela, l’analyse doit se faire non pas sur une journée mais sur une séquence. Depuis 1995, ces conflits se font en effet sur de grandes séquences et les mouvements acquièrent une dynamique propre. Cette première journée était-elle l’acmé du mouvement ou seulement un point de départ ? Il est encore trop tôt pour le dire. En outre, les rythmes de mobilisation sont différents secteur par secteur, selon les syndicats qui dominent. On sait que la CGT va pousser à la grève reconductible dans certains secteurs, mais même au sein de ce syndicat, les stratégies diffèrent. Les grèves dans les transports par rail et les transports urbains vont probablement tenir un certain temps. Outre les habitudes de mobilisation à la SNCF et à la RATP, je rappelle que leur régime spécial est menacé. Mais de manière générale, on va avoir toutes les configurations sectorielles et géographiques. Il y a une immense variété de stratégies syndicales, d’habitudes, de puissance par secteur etc. et donc beaucoup d’inconnues.

    Je retiens deux facteurs importants pour la suite. D’abord la question de la grève : en 2010, contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy, on avait eu une protestation presque sans grève. La vague de manifestations était considérable, sans doute la plus forte depuis 1968, plus forte même qu’en 1995. Même dans les petites îles au Nord de la Bretagne, dans des villages de 300 habitants, il y avait systématiquement des manifestations. Et pourtant il ne s’est rien passé : Sarkozy se fichait de ces manifestations et a fait sa réforme. Macron a sans doute en tête le même scénario : que les gens manifestent une, deux ou dix fois, puis qu’ils finissent par se lasser, que le front syndical se lézarde etc… Si c’est de nouveau un mouvement sans grève, comme en 2010, je ne vois pas en quoi l’issue serait différente. Les mouvements sans grève ne gênent personne. Bruno Le Maire l’a d’ailleurs rappelé il y a quelques jours : il respecte le droit de manifester mais espère un mouvement indolore, qui ne « bloque » pas le pays.

    En effet, face à un mouvement de manifestations mais peu de grèves, les patrons ne disent rien car ils ne sont pas directement visés. En revanche, s’il y a des grèves, que la production et l’économie sont pénalisées, ça peut changer la donne. Si le conflit grippe la machine économique, le patronat va se réveiller, alors qu’il est globalement pour la réforme pour l’instant, du moins en ce qui concerne les gros patrons du MEDEF. Ce n’est pas évident bien sûr : avec l’inflation, les gens réfléchissent à deux fois avant de faire grève. Certains secteurs tiennent des discours de grève dure, mais il faudra voir sur la durée. Dans les raffineries par exemple, cela peut avoir des impacts à la pompe à essence mais aussi pour l’approvisionnement des entreprises. Je suis incapable de connaître la suite, mais en tout cas, contrairement aux manifs, le mouvement syndical a perdu de sa puissance sur ce point.

    Le deuxième point, c’est la mobilisation des jeunes. Lorsque les jeunes s’en mêlent, on ne sait jamais où ça va s’arrêter. Il suffit de penser au CPE en 2006, où c’était devenu difficile à gérer. Là-dessus aussi, difficile de trop s’avancer : il y avait beaucoup de lycéens ou d’étudiants le 19 janvier dans la rue, mais pas sûr que la question des retraites les mobilise jusqu’au bout.

    Enfin, il y a un troisième facteur, que j’ose à peine évoquer, c’est la violence. Depuis 2010, nous avons eu les gilets jaunes, qui n’étaient pas un mouvement institutionnalisé. Ils ne suivaient pas les habitudes des syndicats : déposer un trajet, assurer le service d’ordre, se disperser tranquillement… Ils faisaient le trajet qu’ils souhaitaient et cela pouvait dégénérer, pour le meilleur comme pour le pire. Ce qui peut jouer dans cette affaire, c’est l’incroyable mépris de Macron. Sarkozy n’était pas un modèle, mais au moins il n’allait pas parader en Espagne le jour où il y avait deux millions de personnes dans la rue. Ce mépris total peut radicaliser un certain nombre de gens, se transformer en haine et susciter de la violence. Ce n’est pas le pari des syndicats bien sûr, mais la situation peut leur échapper.

    LVSL : Je reviens au premier facteur que vous évoquiez : la grève. On sait qu’il y en aura un certain nombre, même si leur forme et leur durée sont encore inconnues. Mais n’y a-t-il pas un risque, comme c’est souvent le cas depuis 1995, que les grèves se concentrent dans quelques bastions comme la SNCF, la RATP ou quelques services publics, les salariés d’autres secteurs se contentant de les soutenir sans y participer ? La « grève par procuration » est-elle devenue la norme ?

    JM Pernot : C’est fort probable. Dans d’autres secteurs, notamment le secteur privé, il est devenu difficile de faire grève : comme c’est une pratique minoritaire, elle est d’autant plus risquée pour ceux qui s’y livrent. D’autant que la question du pouvoir d’achat n’encourage pas à la grève. Il y a donc un risque de délégation ou de procuration, avec des gens qui posent des RTT pour aller manifester en soutien aux grévistes, mais sans se mobiliser dans leur entreprise. Bien sûr, cela rendra une victoire du mouvement moins probable.

    Une grève par procuration est donc un signe que les gens ont du mal à tenir une grève sur la durée. Mais s’ils soutiennent les grévistes, notamment via les caisses de grèves, c’est déjà pas mal. En 1995, par exemple, les transports en Île-de-France étaient tous à l’arrêt et c’était très pénible, mais les gens ont soutenu le mouvement. La droite avait essayé d’organiser les usagers contre les grévistes, mais excepté un petit rassemblement ponctuel dans les beaux quartiers, ça n’avait pas pris.

    Donc oui, c’est sûr que s’appuyer sur un faible support gréviste fragilise le mouvement. On connaît la liste des secteurs à l’avance. Mais le fait que la CFDT soit contre la réforme peut jouer, notamment chez les routiers. En 1995 et en 2003, les routiers avaient été très mobilisés et cela avait pesé. Or, la CFDT y est majoritaire. Ce n’est pas rien : contrairement au fret ferroviaire qui ne représente plus grand chose, le fret routier est essentiel pour les entreprises. Mais attention : les pouvoirs publics ont appris de ces mobilisations passées et y sont très attentifs, ils essaieront d’éviter le blocage des routes.

    Plus largement, ce phénomène de grève par procuration traduit des changements de l’organisation du travail. Avant, les grandes entreprises étaient des points forts de la mobilisation syndicale. Aujourd’hui les grandes entreprises sont en majorité composées de cadres et le travail ouvrier est sous-traité dans tous les sens. Or, les syndicats ont très peu d’appuis chez les sous-traitants.

    LVSL : En effet, la grève par procuration est le symptôme d’un syndicalisme affaibli. Vous l’évoquez d’ailleurs dans votre livre, qui s’ouvre sur un paradoxe : l’exploitation au travail est toujours bien présente, nombre de cadres font face à une crise de sens, les salaires ne suivent plus l’inflation… Bref, les demandes portées par les syndicats sont tout à fait actuelles et même parfois majoritaires dans l’opinion. Pourtant le nombre de syndiqués est en baisse, comme la participation aux élections professionnelles. Pourquoi ?

    JM Pernot : On peut retenir deux causes majeures de l’affaiblissement des syndicats. La première, c’est le serpent de mer de la désunion syndicale. Les gens ne comprennent pas bien pourquoi il y a autant de syndicats et pourquoi ils n’arrivent pas à se mettre d’accord. Beaucoup se disent « mettez-vous d’accord et ensuite on s’intéressera à ce que vous faites ». Ça ne veut pas dire que les divergences n’ont pas de bonnes raisons, mais il faut regarder la réalité en face : les débats stratégiques entre la CGT et la CFDT, ça n’intéresse pas les gens. D’autant qu’aucune des deux stratégies ne donne des résultats. Donc ils continuent de se battre mais leurs stratégies sont chacune perdantes de leur côté et ces bagarres rebutent les gens. Certes, quand les gens ont un problème dans leur boîte, ils vont toujours voir le militant syndical quand il y en a un, mais c’est un service élémentaire de soutien aux salariés en difficulté. Mais pour les syndicats qui parlent de transformation sociale, on est loin de passer de la parole aux actes.

    « Désormais, tout le monde sous-traite tout. Cela déstructure les collectifs, éclate les communautés d’action, dissout les solidarités entre travailleurs. »

    Le second problème, c’est cette dynamique du salariat que j’aborde dans mon livre, alors que les syndicats sont restés scotchés à leurs structures antérieures. Nous avons eu un grand mouvement de transformation de l’entreprise et des interrelations entre entreprises. C’est notamment le cas avec la sous-traitance, qui est particulièrement forte en France. Désormais, tout le monde sous-traite tout. La question n’est plus qu’est-ce qu’on sous-traite, mais que garde-t-on en interne ? Évidemment, cela déstructure les collectifs, éclate les communautés d’action, dissout les solidarités entre travailleurs.

    En revanche, la négociation collective n’a pas changé. Elle a lieu à l’échelle des branches et des entreprises, alors que ces lieux ont perdu de leur substance. Il se passe encore des choses dans les branches, mais les entreprises sont devenues des palais des courants d’air, avec parfois une majorité de travailleurs dont le contrat de travail est ailleurs que dans l’entreprise. Donc les syndicats se sont retrouvés atomisés boîte par boîte et accompagnent l’éclatement des travailleurs. Cela est contraire à la logique inclusive qui est au fondement du syndicalisme confédéré. Normalement, un syndicat emmène un groupe social avec lui. Là, ils font face à des divisions permanentes entre personnes qui travaillent ensemble mais qui sont rattachées à des entreprises ou des branches différentes. Il y a là un énorme hiatus.

    LVSL : Oui, vous rappelez d’ailleurs dans votre livre qu’un quart des syndiqués CGT ne sont rattachés à aucune union professionnelle, c’est énorme. Pourtant le problème n’est pas nouveau et les syndicats ont déjà fait face à d’autres réorganisations du monde du travail, au début du XXème siècle et ils avaient réussi à se réformer. Comment expliquer l’inertie actuelle ? Pourquoi les syndicats ne parviennent-ils pas à créer de la solidarité entre des gens qui ne sont peut-être pas rattachés à la même entreprise de par leur contrat de travail, mais travaillent de fait ensemble ?

    JM Pernot : Oui, c’est le grand problème. La différence majeure avec le début du XXème siècle, c’est que les syndicats de l’époque n’étaient pas du tout institutionnalisés. Au contraire aujourd’hui, leur organisation, leur mode de financement, leur mode de décision en interne, etc. doit faire face au poids des fédérations professionnelles qui se sont formées au cours de plusieurs décennies. Remettre ça en cause est très compliqué : même si ces fédérations sont en crise, elles font peser une chape de plomb sur les confédérations syndicales. Je lisais récemment les textes du prochain congrès de la CGT, ces questions sont certes abordées. Mais ça fait six ou sept congrès, c’est-à-dire une vingtaine d’années, que l’on dit qu’il faut réformer l’organisation pour mieux refléter le monde du travail !

    Cette inertie totale renvoie à l’épaisseur bureaucratique des organisations. Les syndicats sont de grosses bureaucraties avec des rapports de pouvoir et des chefs, ce qui concourt à l’immobilité. C’est paradoxal : ils se vident de leurs adhérents, mais ils restent dans ce fonctionnement bureaucratique. Il faut aussi dire que beaucoup de financements passent par les branches, ce qui contribue à figer les structures. Bernard Thibaut (ancien secrétaire général de la CGT, ndlr) avait tenté de faire bouger les choses, mais tout ça a été étouffé par les fédérations.

    « Les syndicats sont de grosses bureaucraties avec des rapports de pouvoir et des chefs, ce qui concourt à l’immobilité. »

    En 1901, les syndicats constatent que le capitalisme change, que l’on passe d’une logique de métiers à une logique d’industrie et ils s’adaptent. Bien sûr, cela a été compliqué : dans la métallurgie, cela a pris 20 ans. Cela a secoué les routines et les hiérarchies internes au monde ouvrier. Par exemple, à la SNCF on n’a jamais réussi à syndiquer les conducteurs de locomotive dans le même syndicat que ceux qui posent le ballast sur les voies. Donc bien sûr c’est compliqué. Mais aujourd’hui, on sent qu’il n’y a pas de volonté réelle de changer.

    LVSL : En effet, les syndicats sont de grosses machines bureaucratiques. Pour beaucoup de travailleurs, les syndicats apparaissent comme une réalité lointaine : on pense aux délégués du personnel ou aux chefs des centrales chargés de mener un vague « dialogue social » avec le patron ou le gouvernement. Les syndicats ne se sont-ils pas bureaucratisés et éloignés de leur base ?

    JM Pernot : Attention, une certaine bureaucratie est nécessaire. S’il n’y en a pas, cela donne ce que l’on observe avec ces nouveaux collectifs de travailleurs qui émergent ces dernières années, par exemple les contrôleurs SNCF qui ont fait grève à Noël. Avec les réseaux sociaux ou une boucle Whatsapp, c’est facile de mettre en lien les travailleurs entre eux. Pour entrer dans l’action, c’est facile. Mais ensuite la direction fait une proposition. Là, le problème débute : comment arbitrer, comment décider ? Est-ce qu’on continue ? Comment négocie-t-on ? Comment vérifier ensuite que l’accord est respecté ? Tout cela, une coordination de travailleurs ne sait pas le faire. Donc toute forme d’action sociale a besoin d’un minimum d’institutionnalisation et de représentation, ne serait-ce que pour négocier. La bureaucratie, c’est ce qui assure la continuité de son action, la reproduction du collectif et l’interface avec les autres institutions.

    « Le problème des syndicats, c’est qu’ils ont des bureaucraties bien constituées qui n’ont pas besoin de beaucoup d’adhérents pour survivre. »

    Cela étant dit, il faut aussi que l’organisme reste vivant. Qu’est-ce qui prend le dessus ? Le mouvement ou la bureaucratie ? Il y a toujours une tension entre ces deux pôles. Il faut à la fois une représentation et des structures, mais aussi ne pas se figer dans des luttes de pouvoir internes. Or, toute organisation, même un groupe de locataires, est toujours marquée par des jeux de pouvoir pour des postes, pour des rétributions matérielles ou symboliques… Le problème des syndicats, c’est qu’ils ont des bureaucraties bien constituées qui n’ont pas besoin de beaucoup d’adhérents pour survivre. Si on compare l’appareil de la CGT à celui d’IG Metall en Allemagne, ce sont deux mondes différents. Par exemple, je défends, comme d’autres, l’idée de redistribuer des moyens vers l’action locale, donc les Unions locales (UL) et les Unions départementales (UD). Mais c’est un débat à couteaux tirés. La bataille pour la répartition de la ressource est ici comme ailleurs assez compliquée mais aussi très politique.

    LVSL : Face à l’inertie des syndicats, des « collectifs » de travailleurs qui ont vu le jour ces dernières années comme vous le rappeliez. On pense par exemple au collectif inter-hôpitaux, aux livreurs à vélo ou encore à celui des contrôleurs SNCF. Finalement, là où les syndicats ont la bureaucratie pour négocier et assurer la représentation, ces collectifs ont eux le lien avec la base. Est-ce que syndicats et collectifs arrivent à travailler ensemble ?

    JM Pernot : Ça dépend des secteurs. Par exemple, chez les livreurs à vélo, qui ont été bien étudiés par de jeunes sociologues, des connexions se sont faites avec les syndicats dans certaines villes comme Bordeaux ou Toulouse. Concrètement, les coordinations de livreurs n’affichent pas une étiquette syndicale, mais on leur prête un petit local dans les unions départementales, quelques jeunes se sont syndiqués pour faire un lien, etc. En l’occurrence avec l’économie de plateforme, c’est plutôt la CGT, Solidaires ou la CNT qui sont présents dans ce genre d’univers. Mais la liaison existe.

    Jean-Marie Pernot, politologue à l’Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES).

    Pour la SNCF, ça reste encore à voir. En 1986, il y avait déjà un mouvement social qui était parti d’un collectif de conducteurs, et cela avait heurté la FGAAC (Fédération Générale Autonome des Agents de Conduite) et la CGT. La CGT s’était remise en question par la suite et elle reste attentive à cela, donc je pense que des coopérations sont possibles.

    Dans la santé, la bataille est plutôt perdue pour les syndicats. Ce sont les collectifs inter-urgence ou inter-hôpitaux qui mènent le combat depuis 3 ou 4 ans. Mais dans ces collectifs, il y a des syndiqués. Par exemple l’urgentiste Christophe Prudhomme : tout le monde sait qu’il est syndiqué à la CGT, mais on lui fait confiance car c’est un bon organisateur, il s’exprime bien et ne la ramène pas toujours à son syndicat. Donc les syndicats ne sont pas au cœur des mots d’ordre, mais ne sont pas totalement extérieurs non plus. Lorsqu’il y a eu les négociations pour le Ségur de la santé, ce sont les syndicats qui ont négocié et il y a eu un lien : il n’y a pas eu de soulèvement contre les syndicats, donc ça a plutôt fonctionné. Bref, les formes sont très diverses, mais l’important c’est que ça marche.

    LVSL : Vous parliez tout à l’heure de l’unité syndicale. La France a connu une multiplication des syndicats depuis une trentaine d’années, mais les deux principaux restent la CGT et la CFDT. Tout semble les opposer : la CGT est un syndicat de rapport de force, parfois qualifié de « jusqu’au boutiste » , tandis que la CFDT est un syndicat « réformiste » souvent accusé de complaisance avec les patrons et le gouvernement. Cette opposition frontale entre « réformistes » et « syndicats de rapport de force » rebute beaucoup de monde. Est-il possible de dépasser ces guerres intestines, au-delà de quelques mobilisations défensives comme en ce moment avec la réforme des retraites ?

    JM Pernot : En effet, pour l’instant sur les retraites, l’unité est défensive et la désunion peut revenir par la suite. Alors bien sûr, les stratégies peuvent être différentes, mais tant la CGT que la CFDT ont une stratégie en partage : chacun pense pouvoir faire sans l’autre. Du moins, c’est ce qui a dominé les dix dernières années. Je reste sceptique car la volonté de travailler ensemble semble faible, mais je préfère continuer à rêver que c’est possible. Sinon chacun va continuer dans son coin et tout le monde va se planter. Cette unité peut donc venir d’une nécessité, lorsque chaque bloc a compris qu’il ne parvenait à rien seul.

    En ce moment, il y a peut-être un mouvement de la part de la CFDT. Comme c’est un syndicat réformiste, ils ont besoin de bons liens avec le gouvernement ou le patronat pour espérer des victoires. En 2017, la CFDT a accompagné l’arrivée de Macron au pouvoir et ses sympathisants ont voté Macron à plus de 50% dès le premier tour (45% en 2022). Donc idéologiquement, la CFDT n’est pas très loin de Macron. Sauf que Macron ne veut pas négocier, il veut passer en force. Donc Berger se retrouve bien seul et il y a un malaise en interne. Ils sont en train de se rendre compte que Macron, ce n’est pas la deuxième gauche, mais juste la droite. Beaucoup commencent à en avoir marre de servir de faire-valoir du gouvernement sans rien obtenir. Berger fait des propositions unitaires depuis quelque temps, mais tout dépend de la réaction qu’aura la CGT.

    « La CFDT est devenue d’autant plus caricaturalement « dialogue social » que la CGT est devenue caricaturalement « grève générale et convergence des luttes ». La dérive de l’une nourrit la dérive de l’autre. »

    Or, il y a une dialectique négative entre les deux organisations. La CFDT est devenue d’autant plus caricaturalement « dialogue social » que la CGT est devenue caricaturalement « grève générale et convergence des luttes ». La dérive de l’une nourrit la dérive de l’autre. Quand la CFDT veut justifier sa stratégie, ils disent « c’est contre la CGT » et vice-versa. Il faut sortir de cela, c’est mortifère : la CGT et la CFDT doivent se définir par rapport aux enjeux du moment et non pas l’une par rapport à l’autre.

    On verra ce qui va se passer au congrès de la CGT, mais je ne suis pas sûr qu’un rapprochement soit à l’ordre du jour. Les relations sont très mauvaises depuis 10 ans : la CFDT a joué à fond la carte du mandat Hollande, puis Macron, alors que la CGT n’a jamais fait ce pari. Désormais, les conditions pour l’unité sont là. D’autant plus que les grands mouvements sociaux comme celui des retraites posent la question du gouvernement d’après. Si le gouvernement s’entête, les perspectives s’assombrissent : la NUPES, et la France insoumise en particulier, auront beau essayer de surfer sur la colère populaire, une victoire du RN est plus probable. Cela peut contribuer à rapprocher les syndicats.

    Donc même si rien n’est fait, je préfère croire que c’est encore possible. Sinon l’histoire est écrite : les syndicats ne susciteront plus que de l’indifférence. J’avais même proposé par le passé une convention citoyenne sur la réorganisation du syndicalisme. En tout cas, il faut essayer des choses sinon les syndicats vont à la marginalisation assurée.

    LVSL : Ce divorce des syndicats avec la société se voit aussi par un autre aspect. Bien qu’ils continuent à formuler des propositions intéressantes, les syndicats ne semblent plus porter de vision du monde comme cela a pu être le cas à d’autres époques. Ceux qui veulent s’engager sur cette voie choisissent d’ailleurs plutôt de rejoindre des associations ou des ONG. Est-ce une fatalité ? Les syndicats ne pourraient-ils pas faire émerger de nouvelles idées et élargir leur champ de réflexion, au-delà du travail, sur des questions majeures comme le féminisme ou l’écologie ?

    JM Pernot : Oui, il faut que le syndicalisme s’élargisse à de nouvelles problématiques, par exemple, la question du sens du travail, qui est très actuelle. Cela ne doit pas faire oublier que les salaires, les conditions de travail, les retraites, etc. sont toujours des sujets majeurs. Mais votre constat est juste : les syndicats sont peu porteurs d’idées alternatives aujourd’hui. La raison est simple : 30 ans de chômage de masse, cela pèse sur la capacité à penser un autre monde. Depuis le milieu des années 1970, quand la crise s’est installée et que l’élan de mai 68 s’est dissipé, le mouvement social a été dominé par une conjoncture marquée par le chômage de masse. Certes, il y a eu quelques projets intéressants avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981 autour des nationalisations ou des lois Auroux par exemple. Mais le tournant de la rigueur a très vite cassé cette dynamique et durablement abîmé les relations entre la CGT et la CFDT.

    « 30 ans de chômage de masse, cela pèse sur la capacité à penser un autre monde. »

    Il est difficile de maintenir un discours de transformation lorsque les travailleurs pensent moins à l’autogestion qu’à la sauvegarde de leur emploi. Inverser la tendance ne sera pas simple. On nous répète que le chômage baisse, mais en réalité il reste beaucoup de chômeurs et la précarité s’accroît. Le capitalisme nous mène de crise en crise : crise financière en 2008, crise du pouvoir d’achat avec la guerre en Ukraine… Avant, les gens s’engageaient en se disant que leurs enfants vivraient mieux qu’eux grâce à leurs combats, aujourd’hui ce n’est plus le cas. L’optimisme qui prévalait dans les années suivant mai 68 a disparu. Et je ne parle même pas du climat !

    Donc le champ des luttes s’est plutôt élargi, mais les syndicats doivent aider les travailleurs face à une succession de crises. Les syndicats savent qu’ils ont besoin de la société civile pour penser des alternatives : tant la CFDT que la CGT se sont engagées dans des alliances élargies avec des ONG. On peut citer l’alliance « Plus Jamais ça » ou le « Pacte de pouvoir de vivre ». Mais là encore, ce n’est pas simple et cela cause de vifs débats en interne.

    LVSL : La question du lien avec la société civile amène celle des relations avec les partis politiques. En France, les syndicats ont toujours été soucieux de leur indépendance à l’égard des partis, même si les liens entre la CGT et le Parti Communiste ont longtemps été forts. Bien sûr, ils remplissent des rôles différents : les syndicats sont là pour représenter le monde du travail, tandis que les partis politiques ont en charge la représentation des citoyens dans l’arène institutionnelle. Mais beaucoup de citoyens ne comprennent pas que syndicats et partis de gauche n’arrivent pas à travailler ensemble. La « marche contre la vie chère » organisée cet automne par la NUPES a ainsi été critiquée par la CGT, alors que celle-ci partageait globalement les mots d’ordre de la manifestation. Pourquoi aucune coopération ne semble-t-elle possible ? Peut-on dépasser cette situation ?

    JM Pernot : Comme vous le rappelez, les syndicats et les partis ont des fonctions différentes. Les syndicats ont un rôle de rassemblement du monde du travail autour de revendications et de construction d’une vision partagée sur certains sujets. Les partis politiques ont la responsabilité inverse : ils sont là pour partitionner l’opinion et faire émerger des visions du monde différentes. Donc on peut comprendre que chacun soit dans son propre sillon.

    « Si le mouvement social est trop marqué par la France Insoumise, cela risque de mettre des gens à l’écart. »

    Bien sûr, il peut y avoir des coopérations et des convergences programmatiques entre la NUPES et la CGT existent. Mais attention, les convergences sont plus faibles avec la CFDT, sans parler de la CFE-CGC (syndicat de cadres, ndlr) ou de la CFTC (syndicat chrétien-démocrate, ndlr) et il faut aussi préserver l’intersyndicale. Par ailleurs, la NUPES, et notamment la France Insoumise qui en est le cœur, a tenté de prendre la tête du mouvement social et cela n’est pas bien passé. Que la NUPES ou la FI aient des choses à dire sur les questions sociales, essaient d’agréger d’autres groupes sociaux comme les jeunes ou fassent des propositions alors que les syndicats en font peu, très bien. Mais si les partis tentent de prendre la tête de l’organisation des manifestations, cela se passera mal.

    Ce serait même contre-productif : beaucoup de travailleurs peuvent venir à une manifestation syndicale ou se retrouver dans les mots d’ordre d’une mobilisation sans pour autant être électeurs de la France Insoumise. Par exemple à Marseille, mais aussi ailleurs, quand il y a autant de monde dans les rues, on sait très bien qu’on retrouve aussi beaucoup d’électeurs RN dans les cortèges. Bon et alors ? N’était-ce pas Mélenchon qui parlait des « fâchés pas fachos » ? Tous syndicats confondus, environ 15 à 20% de leurs sympathisants ont voté RN. De même avec la CFDT et les électeurs de Macron. On ne va pas jeter ces personnes hors des cortèges. Les syndicats doivent rassembler, la CGT doit viser au-delà des gens que la NUPES intéresse. Si le mouvement social est trop marqué par la France Insoumise, cela risque de mettre des gens à l’écart. Donc les convergences peuvent exister mais il faut faire attention et préserver l’intersyndicale. Les politiques peuvent aider à mobiliser, mais dans un moment comme celui-ci, je pense qu’il faut laisser la main aux syndicats sur la mobilisation.

    Le syndicalisme d’après. Ce qui ne peut plus durer . Jean-Marie Pernot, Editions du détour, 2022, 18,90 € .

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      Agression d'un pompier le 1er mai: une femme condamnée à 10 mois de prison

      news.movim.eu / HuffingtonPost · Wednesday, 1 June, 2022 - 14:33 · 2 minutes

    La femme qui avait agressé des pompiers lors de la traditionnelle manifestation du 1er-Mai à Paris, a été condamnée en son absence à 10 mois de prison ce mercredi 1er juin. La femme qui avait agressé des pompiers lors de la traditionnelle manifestation du 1er-Mai à Paris, a été condamnée en son absence à 10 mois de prison ce mercredi 1er juin.

    VIOLENCES - C’était l’une des images de la Journée internationale des travailleurs cette année. Une femme de 38 ans, qui était jugée en comparution immédiate à Paris ce mercredi 1er juin, a été reconnue coupable d’avoir agressé un sapeur-pompier de Paris lors du défilé du 1er-Mai . Pour ces faits, elle a été condamnée en son absence à dix mois d’emprisonnement.

    Également condamnée à un an d’interdiction de manifester, elle devra verser 700 euros au pompier au titre du préjudice moral, et un euro au préfet de police.

    Sur des vidéos prises lors de la manifestation du 1er-Mai et diffusées sur les réseaux sociaux, on voit la prévenue, casque orange sur la tête, tenter d’arracher la lance à incendie d’un pompier en train d’éteindre un feu allumé par des manifestants. Après plusieurs essais infructueux, elle lui assène deux coups sur le casque avant d’être maîtrisée. La femme avait été interpellée une heure après l’incident.

    Une personne “fragile”, “réticente aux institutions”

    “Elle était déterminée”, elle a “passé ses bras autour de moi et ma lance et elle ne voulait pas lâcher”, a témoigné devant le tribunal correctionnel le sapeur pompier, qui tentait au moment des faits d’éteindre un feu qui risquait de se propager à un immeuble d’habitation.

    “Elle m’a dit à plusieurs reprises ‘On va vous défoncer comme en 2019’”, en référence aux manifestations du mouvement des gilets jaunes , a dit le pompier. Des clichés d’elle portant un gilet jaune ou posant en treillis de combat avaient été retrouvés dans son téléphone.

    Cette mère isolée, déjà condamnée en 2018 pour des faits de violences, ne s’est pas présentée devant le tribunal mercredi.

    Le 4 mai, très éprouvée, souvent en larmes, elle s’était présentée à l’audience comme “salariée CDI formatrice dans le domaine de l’hygiène” après avoir été “aide-soignante pendant le Covid”. Ses conseils ont fait valoir sa fragilité psychologique et des crises d’angoisse, et demandé le renvoi de l’audience de fond, rejeté par le président.

    C’est donc en son absence, et sans représentation de ses avocates -qui ont quitté la salle en arguant n’avoir pas mandat pour la défendre- que l’audience de fond s’est tenue. Le président a indiqué que “rien n’est confirmé”, ni les contrats à durée déterminée comme aide-soignante, ni le fait qu’elle serait sans emploi depuis 2020 ou qu’elle aurait deux fils. Le procureur, qui avait évoqué “une personne réticente aux institutions”, avait requis huit mois d’emprisonnement.

    À voir également sur le HuffPost : 1er mai: incendies, vitrines saccagées... Des dégradations émaillent la manifestation à Paris

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      Appel à manifestation du collectif MixArt Myris

      CNT 31 · Friday, 5 March, 2021 - 13:32

    Suite aux attaques sans précédent de la Ville de Toulouse contre Mix'Art Myrys, Le Bleu Bleu, le DAL 31/ Fondation Abbé Pierre, contre le Jardin Partagé Fontaine Lestang, nous ne pouvons qu'acter que cette nouvelle majorité ne veut plus entendre parler d'initiatives citoyennes, d'auto-organisation des habitantes et habitants, de Commun(s), y compris en lien avec les politiques publiques existantes.

    Il est pourtant chaque jour plus évident que penser les politiques publiques, l'intérêt général et l'utilité publique à l'aune des communs et du dialogue démocratique devient incontournable. Incontournable au titre de l'urgence climatique, démocratique, sociale et sociétale.

    Nous souhaitons alerter nationalement sur une volonté d'ingérence sur les acteurs de la société civile qui questionnent l'ordre social actuel pendant que les acteurs économiques, eux, sont élevés par le gouvernement au rang de partenaires privilégiés au mépris du vivre ensemble et de l'urgence écologique.

    La manifestation est ce samedi 6 mars. Elle début à la place Arnaud Bernard à 13h30.Vous pouvez retrouvez l'événement sur demosphère. Alternativement vous pouvez aussi aller à notre permanence syndicale.

    #ToulouseEnLutte #ToulouseMilitant #Toulouse #manifestationMixArtMyris #manifestationToulouse #MixArtMyris #manifestation #samedi #fr

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      Contact publication

      CNT 31 · Thursday, 18 February, 2021 - 10:43

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    #Comminges : L’Isle-en-Dodon. Une #manif pour garder le centre de tri postal

    https://www.ladepeche.fr/2021/02/18/une-manif-pour-garder-le-centre-de-tri-postal-9380062.php

    Samedi à partir de 9 heures, à l’appel du syndicat #CGT, une manifestation est prévue devant la poste pour s’opposer à la fermeture du centre de distribution d’Aurignac qui doit se traduire par le transfert des facteurs à Saint-Martory

    #PTT #Poste #lutte #syndicalisme #ruralité #servicePublique #actu #actualité #manifestation #LutteDesClasses #HauteGaronne #Occitanie #social #société #politique #capitalisme